14 nov. 2012

Article gangant du Concours du meilleure critique d'art
dans le cadre du "Carrefour des Arts Plastiques" 2012

Des fourmis et des hommes

Dans le cadre du Carrefour des arts plastiques de Ouagadougou qui se déroule du 19 octobre au 11 novembre, la villa Yiri Suma accueille les œuvres de trois peintres togolais dont celles d’Adokou Kokouvi. Il s’agit de neuf toiles qui montrent des fourmis dans des scènes anthropomorphiques. Un théâtre drolatique et satirique.
Arthur Rimbaud disait dans les Illuminations : « Dans  un grenier où je fus enfermé à douze ans j’ai connu le monde, j’ai illustré la comédie humaine ». Il suffit parfois de promener le regard dans un réduit ou sur une petite parcelle de terre pour arriver à l’intelligence du monde. En posant un instant les yeux sur le sol, l’homme découvre que sous sa godasse, il y a  un univers grouillant de vie, beaucoup d’êtres industrieux et organisés. C’est ce qu’a fait Adokou Kokouvi, un jeune peintre  togolais, pas encore trentenaire, qui vit et travaille à Ouaga depuis trois ans. Enfant ayant grandi au village, il lui arrivait de s’allonger dans l’herbe, d’’approcher le nez du sol pour assister à un spectacle fabuleux. Des fourmis passant leur chemin par milliers, luttant avec des charges plus lourdes qu’elles,  tellement obstinées, passant tous les obstacles,  et allant et venant dans une longue marche vers la fourmilière. Ces  lilliputiens  que nous piétinons sans voir, il a décidé d’en faire les personnages d’un opéra comique en neuf tableaux. Comique parce qu’il les croque dans des attitudes anthropomorphiques inattendues. Ainsi sur la toile baptisée « Le Couple » on voit un couple de fourmis, les yeux plongés dans la lecture d’un journal, l’autre « La Causerie » met en scène des fourmis dans une discussion fort animée au vu de la posture et de la physionomie  des protagonistes, ailleurs, la reine de la fourmilière est entourée de quelques personnages à la mine  patibulaire, certainement la garde rapprochée.

Le trait de l’artiste est assez proche de la caricature par l’exagération dans l’esquisse de  certains traits morphologiques. Les yeux sont deux globes fendus d’une incise posés sur la tête, la bouche est ronde comme un O ou allongée d’un dard, les pattes se terminent  en sabot ou en soulier. Il y a quelque chose d’enfantin dans ces dessins qui rappellent les  bonshommes que peignait Jean Marie Basquiat, le prodige haïtien précocement décédé.
Sur ces toiles, Adokou kokouvi recourt à de coupures de journaux, du papier mâché et  des pigments. Il écrit aussi des fragments de texte au pastel dont on peut décrypter quelques lettrines ou  mots mais  l’ensemble se perd dans le gribouillis. Ces tableaux sont aérés, diffusent quelque chose de lumineux car le noir et le gris sont atténués par des pointillés de bleu, des bandes de jaune ou des tirets rouges.

L’idée d’accrocher cet opéra fabuleux au niveau du premier étage de la maison a été heureuse et aussi celle de mettre les neuf tableaux dans un carré de trois tableaux sur trois, cela oblige le regardeur à lever les yeux au ciel. Une façon de dire que l’art a le pouvoir d’inverser les rôles. L’homme ne baisse plus le regard pour voir les fourmis, il est contraint de rejeter  de lever la tête pour le voir. En outre, pour mieux voir ses toiles dans le détail, le spectateur doit monter l’escalier en colimaçon et même se  pencher quelque fois dans le vide dans une position inconfortable. L’art  inverse ainsi le rapport de domination.
Ce regroupement des toiles autorise aussi  des associations et  génère un récit interprétatif des neuf toiles comme une unité. Ainsi, ces toiles font songer à une fourmilière avec ses différents niveaux, ses soldats, ses ouvrières, sa reine et ses galeries, ses entrepôts, ses systèmes d’aération et d’évacuation des déchets. Et cette  fourmilière suspendue fait penser à un  HLM avec ses appartements, ses locataires. On a l’impression de coller le nez à la vitre d’un appartement et d’observer les locataires dans leur vie quotidienne. Et là est justement la satire sociale ! Car un HLM n’est pas une fourmilière. Chaque appartement est une cellule étanche, chaque famille est une île défendue par ses quatre murs. Ainsi, en prenant prétexte de la myrmécologie, le jeune peintre fait une subtile critique de  la destruction du lien entre les hommes.

En invitant  les fourmis sur ses toiles,  Adokou kokouvi nous rappelle que nous cohabitons avec d’autres espèces et que nous avons même des leçons à prendre avec le monde animal. Une démarche écologiste et critique de la part d’un jeune artiste dont la technique est intéressante et prometteuse. Toutefois, l’influence de Jean Michel Basquiat est trop présente dans ces toiles ; il faut donc espérer que l’artiste se débarrasse d’une telle tutelle et  trace sa propre route. Comme une fourmi !

Saïdou Alcény BARRY


L’appel à la paix de Kossi Afanou
Peintre togolais présent à Ouagadougou dans le cadre du Carrefour des Arts plastiques qui se tient du 19 octobre au 11 novembre 2012, Kossi Afanou expose à l’espace de la Fondation Bras 0uverts. L’œuvre qu’il présente au grand public est assez emblématique par son contenu que par l’explication qu’il en donne. Porté à notre regard, cette peinture suscite de la critique.

A travers son œuvre « Où va le monde ? » Kossi Afanou décrit la place de la religion dans la récurrente problématique de la paix. Jeune peintre autodidacte, Kossi est né en 1986 au Togo, où il a fait ses premiers pas en arts plastiques dans la ville de Lomé. Après quelques expositions dans ladite ville avec notamment l’Association Jav et la structure « Do it », le jeune Afanou est à son premier voyage à l’international avec ses productions. Dans toutes ses créations, Kossi travail essentiellement avec des matériaux comme la toile, la peinture à huile industrielle, l’acrylique et des colorants naturels. S’inscrivant dans le style semi-abstrait, dans ses productions il n’aborde que des thèmes de société, a-t-il fait savoir. Dans l’œuvre qu’il expose, également intitulée « La paix », il nous parle de la place de la religion dans le monde actuel et son rôle dans la sérénité dont a tant besoin l’humanité. Cette œuvre de Kossi Afanou aussi remarquable soit-elle et bien que fournie en symbolisme se trouve être une production surchargée, peut-on noter. Sur cette fresque où nous pouvons apercevoir plusieurs symboles religieux, des traces de mains ensanglantées, une empreinte de pied, le tout exposé sur un fond en assortiment de couleurs rouge, sombre, tantôt claire par endroit, l’artiste, à travers le vocabulaire de plusieurs éléments, essai de caricaturer une société mal-en-point où la religion occupe une place importante. Les divers symboles religieux clairsemés sur la toile montrent la dispersion et la présence des religions dans les différentes sphères de la société. C’est à cet effet donc que le peintre les tient pour responsables des divers troubles qui secouent la terre. Le symbole de la lune et de l’étoile à cinq (05) branches, représentant ici l’islam, est le mieux visible sur le tableau, et celui pour le christianisme représenté par un poisson est à peine remarquable ; ce qui suscite une interrogation en ce qui concerne la place qu’occupe, aujourd’hui, ces deux (02) religions aux yeux du monde. Cependant, le chandelier à sept (07) branches symbolisant le judaïsme et les autres symboles religieux quant à eux, ont de relatives présentations assez discernables. Les traces de mains ensanglantées sont, pour l’auteur, celles des jeunes du monde qui aujourd’hui se trouvent au milieu d’une situation de crise généralisée dont ils ne sont pas responsables, mais devraient braver l’adversité pour ramener l’équilibre. L’empreinte de pied quant à elle, symbolise l’humain, et sa position relativement centrale sur la toile montre que l’Homme est au centre de toutes les préoccupations, mais également que celui-ci est l’auteur de tous ces tourments. Elle symbolise également un pas vers plus ou moins le renouveau. Pour la combinaison des couleurs sombre et rouge sang, en fond, elle dépeint la situation chaotique dans laquelle baigne toute l’humanité. Mais qu’à cela ne tienne, l’espoir est permis avec les couleurs jaune claire et blanche représentant la lumière qui se laisse percevoir par endroit. Dans son ensemble, on est tenté de dire que cette œuvre est teintée d’ironie, car autant qu’elle fasse appel à la paix, son ambiance générale est une représentation du chaos.
 
Bélélé Jérôme William Bationo

« L’Alliance familiale »

« Carrefour des art plastiques » organisé du 19 octobre au 11 novembre 2012 à Ouagadougou. Une rencontre du donné et du recevoir. D’un côté, le public, plus ou moins connaisseur et essentiellement ouagalais, de l’autre une plate-forme commune de promoteurs d’arts plastiques (Goethe-Institut/Bdl, Institut français, Hangar 11, Villa Yiri Suma, espace Napam Beogo et Fondation Bras ouverts). La magie des couleurs accroche le regard comme l’arc-en-ciel. Le professeur Yacouba Konaté, critique d’art averti venu des abords de la lagune Ebriée initie un groupe de journalistes à la critique d’art.   
À la Fondation « Bras ouverts », le tableau « L’Alliance familiale » de Da Costa, un jeune peintre togolais retient l’attention. Il est accroché, comme s’il l’était de façon définitive dans un jardin. C’est une belle pièce d’art mural réalisée avec de la peinture acrylique sur un support de bois qui se lit aisément sur un pan de mur dont la couleur semble avoir pris, exprès, de l’âge. Le mur, teinté de l’humus de la terre nourricière intègre cet élément étranger surgit de l’imagination créatrice d’un peintre enraciné dans les traditions picturales et cultuelles de l’Afrique. Le matériau choisi comme support, du bois composite, fait de planches usitées, de chutes d’atelier de menuiserie, donne à l’ensemble un relief différencié à l’exemple des portes en planches de bois des cases de ces villages africains où cette matière abonde. L’ensemble est bien rendu dans un style semi figuratif, plaisant à regarder, proportionné, presque symétrique par l’occupation spatiale des personnages, sept au total, dont un enfant au milieu de six figures adultes.
Son auteur, la trentaine révolue s’appelle Kwami Paul Da Costa à l’état civil. Lui-même fruit d’un métissage, le jeune Da Costa dont le nom rappelle étrangement la présence des navigateurs portugais sur les côtes du Golf de Guinée depuis le XVe siècle est issu d’une famille chrétienne au cœur d’une cité majoritairement haoussa et musulmane : Agoè Digo, à la lisière de la frontière bénino-togolaise. Le peintre use de son histoire personnelle comme d’une muse. « Nous sommes différents, certes, mais unis dans la vie de chaque jour aux autres dont nous dépendons et qui dépendent de nous », d’où l’idée de famille, ici représentée par des personnages dont on identifie aisément les silhouettes longilignes et figées dans le temps, bouche bée, comme des fétiches cultuels dans nos concessions ancestrales.

L’œuvre de Da Costa se présente également comme le fruit d’une méditation sur le présent et le devenir de cette famille africaine traditionnelle. « C’est au bout de l’ancienne corde qu’il faut tresser la nouvelle » dit la sagesse des anciens. Mais aujourd’hui, les cordes qui symbolisent les liens familiaux et qui enserrent les planchettes de bois entre elles fait de l’ensemble un tout, dans un état de solidité peu rassurant. À l’exemple de la coloration un peu « inconfortable » de l’ensemble du tableau. C’est le doute qui s’installe au cœur de la famille africaine dont les intellectuels ventent encore la solidarité légendaire. De plus, les liens familiaux ne sont pas toujours garants de joie et de sérénité dans les foyers. Le peindre y remédie en optant de montrer des couples monogames, car croit-il, la polygamie est source d’instabilité dans les familles africaines. Les vicissitudes que traverse la famille aujourd’hui ne sont pas toujours dues à des influences néfastes venues de l’extérieure. L’Afrique porterait en elle-même les germes d’auto destruction de ses valeurs cardinales. Pour exprimer le malaise, l’artiste choisit des tonalités sombres et tristes.
Si les contours du haut du sont clairement découpés et donnent à distinguer des têtes humaines, le bas du tableau se fige en un relief tourmenté, fragmenté, déchiqueté et donc fragilisé, qui inspire l’impression d’instabilité d’une société déstabilisée sur ses assises. Où trouver un socle stabilisateur ? L’auteur propose une forme d’éclairci ici représenté par l’enfant au cœur de la concession et de la cellule familiales. L’espoir renait. Serait-ce la reproduction d’une scène de Noël (un enfant sauveur) dans le subconscient de l’artiste issu d’une famille christianisée depuis au moins dix générations ? On remarque aussi des taches de couleurs noire, blanchâtre et rouge sur la planche centrale du tableau. Ce sont les trois couleurs fondamentales de l’Afrique. La couleur noir symbolise le sombre passé de l’Afrique, la blanchâtre la lueur d’aube que connait le présent d’une Afrique pourtant en crise. Le rouge, symbolique de la vie et du soleil, exprime la foi en l’avenir de l’Afrique. Cette petite touche rouge donne de la valeur ajoutée à l’ensemble du tableau.

                                                                                                                         Thomas Dakin POUYA
                                                                                        

Legende:

Da Costa (Togo), « L’Alliance familiale », Fondation « Bras ouvert », Ouagadougou 2012.

"L’artiste face à la couleur de la peau" de Sylvo Zoungrana (2009)

Description de l’œuvre
Nous avons avec nous un tableau de Sylvo de son vrai nom Sylvestre Zoungrana. C’est un tableau qui date de près de quatre ans peint à des « moments de délires du peintre » en empruntant ses propres termes. L’œuvre est peint en huile sur un drap de lit, de motif fleuri venant d’Europe et est exposée à l’espace Hangar 11 à Ouidi dans la capitale burkinabé à l’occasion de la fête « Carrefour des arts plastiques ».
 Nous voyons sur la peinture les postérieurs mis à nu d’une femme et couverts d’un voile transparent. Entre les jambes de la dame se trouve une tête à la chevelure tressé regardant le sol, avec un air de gêne. Sur une dimension de 70cm sur 50cm, la couleur dominante du tableau est le jaune et son titre est « l’artiste face à la couleur de la peau ».Nous sommes au XXIème siècle dans la période des arts contemporains ; la lecture des couleurs n’est plus transversale. Néanmoins, on peut bien dire que le jaune est de la famille des couleurs chaudes, couleur qui insinue la sérénité. 
 
Le sens pour l’auteur
Sylvo est un peintre autodidacte burkinabè. Il s’est fait connaître de ses pairs par la force du travail. Ses œuvres sont inspirées de son vécu quotidien et de son imagination pour retracer un évènement ou de produire des œuvres en fonction des thèmes bien défini. Le tableau que nous présentons est inspiré de la vie quotidienne de l’artiste. C’est une œuvre d’interpellation. Il invite ses camarades artistes qui cherchent la réussite sous la jupe de nos sœurs de peau blanche à changer de cap.
Ces artistes en majorités se distinguent par les coupes de leurs cheveux ; ils ont adopté le style rasta.
Avec cette œuvre, Sylvo affirme que la réussite venant de la jupe d’une femme n’engendre que gêne et frustration. Il exhorte alors ses frères à l’accompagner dans sa démarche, une démarche qui se distingue par le travail.
 
L’ambiguité du tableau
Le tableau de l’artiste Sylvo Zoungrana n’est pas aisé à comprendre d’emblée. Il est même ambigu. D’abord, les postérieurs nus ne nous renseignent pas sur la couleur de la peau de la dame ; elle est même proche d’une femme de peau noire.
Cependant, l’artiste Sylvo veut qu’on voie en cette dame une personne de la peau blanche en s’appuyant sur le voile qu’il juge être un mode, un style d’habillement occidental.
Ensuite, la tête sous la cuisse de la femme porte des tresses des femmes africaines, ce qui laisse croire que c’est la tête d’une femme mais non, le peintre dit représenter la tête d’un rasta, d’ un homme ; ce qui est difficilement détectable sans le commentaire de l’artiste.
Enfin, ce tableau ainsi peint n’est pas destiné à la décoration interne de maison ; l’exposé au- dehors et l’interprété comme le veut l’artiste peut entrainer des frustrations chez les européennes et le discrédit chez les artistes rasta. Au   vu du support utilisé, l’artiste pourrait faire une œuvre de plus belle facture surtout que c’est un artiste qui travaille beaucoup sur le corps. Quoi qu’on dise, il faut que l’art nourri l’artiste.
 
Perspective pour le tableau
On peut se demander pourquoi Sylvo, peintre du corps et de belle image comme il nous a fait savoir n’a pas fait de une œuvre un produit naturaliste  c’est- à- dire en ne faisant pas apparaître la tête et accordé au voile son sens premier. Ainsi, ce sera un tableau d’ornement interne et sensuel pour les naturalistes. On pourrait alors le titré « cœur de la Nature ».
 


Waliou A. ADEGUEROU

                                                                                                  



 

31 oct. 2012

Un mois pour célébrer de l’art contemporain

Carrefour des arts plastiques de Ouagadougou

Le Carrefour des Arts Plastiques de Ouagadougou est une fête des arts plastiques organisée par cinq espaces culturels que sont le Goethe Institut, l’Institut Français, la Villa Yiri-Suma, l’espace Napam Beogo et la Fondation Bras Ouverts. Du 19 octobre au 11 novembre 2012, en plus des expositions, il y a des conférences, des ateliers de formation et des passerelles avec d’autres expressions artistiques.

Le Carrefour des arts est la nouvelle formule de la Fête international des arts plastiques de Ouagadougou (FIAPO). Contrairement à la précédente, celle-ci ne met plus en compétition les artistes contemporains mais des productions journalistiques sur la critique d’art. Une façon de susciter la naissance d’une critique d’art pour aider à la promotion des oauvres de qualité.

Alioum Moussa avec des journalistes
C’est dans ce but que l’Institut Goethe a accueilli un atelier de formation de journalistes culturels à la critique de presse animé par le Professeur Yacouba Konaté, un critique d’art pétri d’expérience. En plus, l’Institut reçoit l’exposition  Convergences d’Alioum Moussa, un artiste camerounais. Ses œuvres, conçues à partir des tissus et vêtement de l’industrie textile italienne, sont colorées, surprenantes et très engagées. Ce sont des masques faits avec des t-shirt rembourrés de chutes de tissus, des grandes tresses colorées et des vêtements conçus avec des  morceaux de vêtements de marque, d’autres avec des serpillères. C’est une démarche consumériste qui dénonce  la société de consommation et ses victimes de la mode. D’un autre côté, cette expo est aussi un requiem de l’industrie textile italienne dont les usines ont fermées les unes à la suite des autres, avalées par la concurrence chinoise et laissant sur le carreau les petites mains et les ouvriers qui travaillaient dans la haute couture et dans l’industrie textile.

Au Hangar 11, il se tient un atelier de recherche sur l’utilisation de nouveaux matériaux dans l’art plastiques dénommé « Quels matériaux pour quelle peinture ?». Il s’agit pour les peintres d’expérimenter de nouvelles démarches en peignant sur d’autres supports autres que la toile, d’intégrer les matériaux locaux, les pigments naturels à leur peintures. Les œuvres nées de cet atelier seront exposées jusqu’à la fin du carrefour des arts. Il y aura des œuvres de Pierre Garel, Sylvo Zoungrana, Aimé Césaire Ilboudo.

A l’Institut Français de Ouaga, c’est une expo  Artistes en Stock , des œuvres nées de la collaboration d’Alexandre Eudier avec des artisans burkinabé. Des œuvres qui questionnent les limites fort poreuses entre l’Art et l’Artisanat.

A l’Espace Napam Beogo, c’est un trio de peintres qui ont accroché leurs toiles. Il s’agit de Deris, Do Bassolet et Zakaria Ouedraogo. Entre abstrait, primitivisme et clins d’œil à la peinture hollandaise, ces trois peintres résument les différentes directions qu’explorent les artistes plasticiens du Burkina.

La Villa Yiri-Suma aussi héberge trois artistes dont deux Togolais. Le Burkinabè Hyacinthe Ouattara avec une installation de mannequin bleus, rouges et noirs qui se balancent au bout de ficelles. Un monde de légèreté, d’apesanteur avec ces corps gonflé d’air qui font penser aux poupées en latex d’Orange mécanique de Staley Kubrick, l’érotisme en moins. Il y a aussi les neuf toiles du jeune peintre Adokou Kokouvi, du semi-fuguratif qui s’intéresse au monde des fourmis et qui, par ce détour, parle en fait des humains. Enfin, il y a des œuvres de Kossi Seshie qui s’intitulent « Etats d’âme ».

A la Fondation Bras Ouverts, il y a une trentaine de peintres venus du Benin, du Togo et des Burkinabé. Beaucoup de diversités dans la démarches des artistes présents, une débauche de couleurs et de formes, certaines classiques, d’autres explorant de sentiers nouveaux avec cependant une constante : la plupart des toiles sont très surchargées de sorte qu’il s’en dégage une sorte d’étouffement. Est-ce le signe du malaise des jeunes artistes qui vivent dans un environnement qui ne leur concède que peu de place?

Le Carrefour des arts plastiques est une belle initiative car il permet, durant un mois, d’attirer l’attention sur un domaine de l’art qui, jusqu’à présent, reste peu connu des populations. Toutefois, cette manifestation gagnerait à se doter d’une équipe de sélection pour retenir les œuvres les plus intéressantes et recourir à des commissaires pour aider dans la médiation et la mise en scène des œuvres exposées. C’est en se professionnalisant que cette manifestation peut devenir une manifestation incontournable dans la région.
Saïdou Alceny BARRY
Publié: L'Observateur Paalga N°8241 du Jeudi, 25 au Dimanche, 28 octobre 2012; p. 6.