Evariste Combary,
journaliste culturel à la RTB
«Il n’y a pas un artiste burkinabè qui est plus riche que moi»
Son nom ne passe pas inaperçu dans le milieu culturel au Burkina.
Journaliste à la Radio télévision nationale, Evariste Combary, puisque c’est de
lui qu’il s’agit, dans cette entrevue qu’il a accordée à L’Obs. Dim présente
davantage l’émission Scène à la RTB
dont il est l’animateur. Sans ambages, il n’hésite pas à parler également de ses
relations avec les artistes et le monde du showbiz burkinabè. Lisez plutôt.
Comment se porte Evariste Combary ?
Il y a la pression ; au
service, comme chez tout le monde, mais je me porte bien. Il y a la santé.
Peux-tu te présenter pour ceux qui voudraient mettre davantage de mots
sur ton visage ?
(Rires). C’est difficile de se
présenter soi-même. Je me nomme Evariste Yemboado Combary, je suis journaliste
à la télévision nationale du Burkina. Dans mon travail, je m’intéresse
particulièrement à la culture.
Comment es-tu arrivé à la télévision nationale et particulière dans le
domaine de la culture ?
Tout d’abord, j’ai fait mes
études au département Arts et communication à l’université de Ouagadougou. Dès
la première année, un de nos enseignants, Mahamoudou Ouédraogo, qui était à
l’époque directeur de la télévision nationale (Ndlr : ancien ministre de
la Culture), nous a informés qu’on cherchait des pigistes pour la chaîne. J’ai
fait le test et j’ai été retenu parmi les 2 candidats qu’on voulait. Après,
j’ai été informé que c’est une personne qui sera retenue. Je n’en ai pas fait
de problème, car je me suis dit intérieurement que ça ne pourrait m’échapper si
c’était ma place là-bas. Plus tard, à la fin de la troisième année d’études, on
m’a rappelé et c’est ainsi que j’ai intégré la télévision nationale. A mes
débuts, j’étais à la réalisation comme assistant. A un moment, suite au départ de
certains aînés, on m’a proposé d’intégrer la rédaction et j’ai accepté. Pour ce
qui concerne le domaine de la culture, il faut dire que nous étions les plus
jeunes à cette époque et on touchait à tout, même si je suis beaucoup plus
sportif dans l’âme. Les reportages culturels étant à majorité de nuit, ça
intéressait très peu les journalistes. Je me suis toujours dit que j’apprenais,
donc pour moi, il n’y avait pas de problème. Plus tard, le directeur Yacouba
Traoré a proposé qu’on réfléchisse ensemble pour créer quelque chose. C’est
ainsi que Scène, qui lui revient
d’ailleurs, est née ; c’est lui le véritable géniteur de cette émission.
Parlant de cette émission, Scène,
peux-tu la présenter à ceux qui ne la connaissent pas jusque-là ?
Scène est une émission culturelle mensuelle qui existe depuis près
de 10 ans. Elle concerne principalement la danse, la musique, le théâtre, le
cinéma, les portraits d’artistes ou de promoteurs culturels, les
manifestations, etc. L’objectif de cette émission, de 52 minutes, est de
permettre aux téléspectateurs de découvrir davantage les différents pans des
disciplines culturelles citées ci-dessus.
Quelles sont les contraintes liées à Scène ?
Il faut reconnaître qu’avec le
temps ça va. Le plus dur, c’était de trouver une équipe pour aller sur le
terrain. Au début, avec une direction qui avait une certaine vision de la
culture, il y avait un certain dynamisme pour accompagner les évènements
culturels, même si par moments, il fallait faire face aux ressentiments de
certaines personnes. Ce qui a permis un phénomène de routine chez certains
cameramen et chauffeurs. Donc, pour le plan national, il n’y a pas de
contraintes majeures. Cependant, quant il s’agit d’aller à l’international, il
n’y a pas d’accompagnements ; c’est toujours avec nos propres moyens. Pourtant,
nous aspirons à faire grandir l’émission. Il faut noter que mon travail de
journaliste ne me l’impose. On ne pourra pas me blâmer si j’arrête Scène. C’est une production, et qui dit
cela dit de la création qui nécessite donc de la réflexion. Tout travail a un
prix. Malheureusement, il n’y a aucune mesure dans ce sens pour ce qui concerne
Scène. Vous voyez, là aujourd’hui
(Ndlr : l’entretien a eu lieu un samedi) que je suis en pleine préparation
de l’émission, même si c’est le jour de repos de certaines personnes. C’est
parce qu’on aime tout simplement qu’on est dedans.
Comment se fait le choix des artistes ou des activités culturelles pour
Scène ?
Je suis les différentes chaînes
de télévisions et l’actualité culturelles comme tout le monde. Nous mettons l’accent
sur le côté atypique de l’artiste ou sur ceux qui ont une certaine étoffe. Pour
les manifestations culturelles, il nous faut un dossier pertinent que nous
étudions, le reste se fait sur la disponibilité de l’équipe.
On taxe certains animateurs ou journalistes culturels de faire du
favoritisme avec les artistes ou les promoteurs qui, comme on le dit dans le
jargon, mouillent leur CD ou déposent des pierres sur leurs dossiers ;
qu’en est-il à la RTB et pour ce qui te concerne ?
Je vais parler pour ce qui
concerne ma personne. L’émission Scène
n’est pas payante. Je défie quiconque avec qui j’ai pris de l’argent pour
l’émission qu’il le dise. Quand par-dessus tout, après l’enregistrement
quelqu’un invite l’équipe à prendre un pot ou donne un cadeau, nous le
partageons équitablement. Et je tiens toujours informé la direction en fonction
de la valeur. Ce serait malhonnête d’utiliser le matériel de l’Etat pour aller
prendre de l’argent chez des gens. L’émission est gratuite. Ceux qui ont du
talent vont toujours passer et on ne
m’impose personne. Certains vont même jusqu’à voir certains responsables mais
ça ne marche pas. D’ailleurs, j’exige beaucoup plus de professionnalisme de la
part des artistes. Vous imaginez que des artistes sortent même leurs œuvres par
exemple sans que plusieurs journalistes culturels, qui sont censés les
accompagner, ne les aient pas.
Cependant quelles sont vos relations, en tant que journaliste culturel,
avec les artistes ?
Je n’ai jamais eu de problème
avec un artiste, car il y a une certaine marge que je respecte toujours. J’ai
des amis artistes mais la marge est toujours respectée. Je respecte l’artiste
et j’exige de même.
Dans le milieu culturel, notamment celui du show-biz, beaucoup de
personnes trouvent qu’Evariste Combary est réservé ; pourquoi ont-ils
cette impression ?
(Rires). C’est dans ma nature. Ceux
qui ne me côtoient pas croient toujours que je suis trop réservé. Non ce n’est
pas le cas. Je fonctionne comme un miroir. Très souvent quand je vais dans
certains évènements ou des manifestations culturelles, c’est pour travailler. Aussi,
je suis les choses de loin. Parce qu’à trop s’y frotter on devient vulgaire.
J’accompagne les artistes et le monde culturel dans la mesure du possible. Un artiste
qui me contacte pour un évènement ne paie jamais un rond si une équipe doit le
couvrir. J’informe toujours ma hiérarchie en conférence de rédaction.
Malheureusement, les gens ne s’intéressent pas trop à la culture. Ils disent
qu’il n’y a pas d’argent, que les artistes sont ingrats, etc. Les artistes
burkinabè ne sont pas riches. Qu’ils m’excusent, mais j’ai dit une fois qu’il
n’y avait pas un artiste qui est plus riche que moi, donc je ne voulais pas de
leur argent. Tu m’offres un thé on bavarde et on ne va pas au-delà. L’Etat me
paie déjà, donc aucun artiste ne me paiera pour ça. Cependant, je vends mon
expertise à qui le veux ?! Que ce soit sur le plan culturel ou pas ;
et c’est bien différent en ce moment, car je viens avec mon propre matériel de
travail. La culture est d’ailleurs pour moi un hobby.
Cependant, quelle est ton appréciation du show-biz burkinabè ?
Est-ce qu’on peut dire qu’il
existe un véritable show-biz au Burkina ? Bref ! Dans mon
appréciation, j’irai par étape. D’abord les artistes ; ils ne sont pas
professionnels. Beaucoup d’entre eux qui ont atteint un certain stade ne
connaissent même pas les journalistes culturels dans les rédactions. Très
rarement avant la sortie de leurs œuvres ils ne les approchent pas pour un
quelconque accompagnement. Sur plusieurs plans, ils manquent de manières.
Quelques-uns qui vivent à l’extérieur sont plus professionnels que le reste dans
leurs démarches. Ensuite, les managers ; ils n’arrivent même pas à
positionner nos artistes sur le plan international pourtant, on a maintenant de
la matière. Quand on se dit manager, on ne peut avoir tout seul plusieurs
artistes sous sa coupe. C’est comme vouloir être agent dans plusieurs chaînes
de télévision. Je crois qu’ils sont beaucoup plus commerçants que managers.
Très rarement quand ils arrivent à faire sortir des artistes du pays, c’est
pour aller dans des petits endroits ou seulement aller jouer devant les communautés
burkinabè là-bas. A leur retour, c’est pour ensuite inonder les médias avec des
images dont on ignore la provenance. Pour ce qui concerne les promoteurs de
spectacle, je dirai qu’ils doivent penser tout d’abord à faire la promotion de
la musique burkinabè. Très souvent, certains d’entre eux, nous ramènent chaque
fois des artistes en fin de carrière de certains pays voisins. Certes, on ne
doit pas être fermé, mais il faut donner de la valeur à ce qui se fait chez
nous. Aussi, pour certaines manifestations, c’est la presse étrangère qu’ils
s’empressent d’envoyer. Il faut toujours avoir une certaine assise avec les
médias nationaux pour donner une crédibilité à ce qu’ont fait. Enfin, je
parlerai des journalistes. Celui qui conditionne son travail par de l’argent
doit s’attendre à certains comportements. En ce moment, il devient vulgaire et
il devra s’assumer.
A la dernière édition des Kundé tu étais membre du jury ; comme il
fallait s’y attendre, de la salive a coulé par rapport aux lauréats dans
certaines catégories ; comment avez-vous travaillez et qu’elle était ton
appréciation aux lendemains de l’évènement ?
On s’est retrouvé entre membres
du jury avant l’évènement, on a choisi le président, puis on a travaillé dans
une bonne ambiance. Il faut noter que les membres du jury ne font qu’homologuer
un travail. Plusieurs acteurs culturels font des votes et nous ne faisons que
des quotas. Nous avons voté également pour trancher certaines situations.
Sachez que même dans les plus grandes manifestations du monde, on ne peut pas
trouver toujours l’unanimité pour tout. Mais moi j’étais ravi à l’annonce du
Kundé d’or quand le public a acclamé fort. Le jury joue le rôle d’arbitre, mais
par moments les fans réagissent sans vraiment d’objectivité.
Parlant d’objectivité, aux lendemains de l’évènement, il est ressorti
sur certains réseaux sociaux que pour le lauréat dans la catégorie Espoir,
Evariste Combary aurait pesé de son poids pour l’un des candidats, car
n’appréciant pas l’artiste Stelbee qui était également dans cette même
catégorie. Qu’en est-il exactement ?
(Rires). Je ne la connaissais pas
réellement avant les Kundé cette artiste. Je ne l’ai jamais rencontré.
D’ailleurs, je vous ai dit plus tôt que je gardais une certaine marge avec les
artistes. Contrairement, j’aime bien sa musique et ça pouvait bien être elle
également, car elle fait de la bonne musique. Je vous ai aussi dit qu’on
homologuait les votes des différents acteurs culturels et je puis vous dire que
je n’ai aucun problème avec Stelbee. Il faut que les gens évitent de passionner
les débats, car ce n’est pas parce qu’elle n’a pas eu un prix que ça enlève quelque
chose à sa valeur. Ce serait vilain qu’un membre d’un jury arrive à un tel
comportement.
En tant que journaliste culturel, tu as plusieurs fois participé à des
manifestations d’envergure mondiale et tu as été récemment décoré par l’Etat burkinabè ;
que peut-on retenir de tout ça ?
Tout d’abord, je crois que tout
journaliste doit toujours se remettre en cause dans son travail pour pouvoir
continuer d’avancer. C’est vrai que je n’aime pas qu’on m’attache à ce carcan
de journaliste culturel, mais c’est un domaine passionnant. Même si dans nos
rédactions les gens pensent que ce sont ceux qui n’ont rien dans la tête qui
font du journalisme culturel. On a fait les mêmes écoles et c’est tout
simplement un choix. Ce que je tiens à dire c’est qu’un journaliste doit se
faire respecter dans l’exercice de sa profession peu importe sa spécialité.
J’interpelle aussi les autorités à revaloriser le travail des hommes de médias.
Quand on chante ou danse nous sommes présents et quand on tire ou qu’il y a des
inondations nous sommes également là. Il faut que la presse soit à l’abri du
besoin, car un journaliste qui a faim est un journaliste dangereux. Pour ce qui
concerne ma décoration je tiens à dire merci au ministre en charge de la Culture
pour cette marque. Je n’avais jamais pensé à cela jusqu’au jour où c’est
arrivé. J’ai eu des Galian, mais cette distinction m’a énormément touché.
Une adresse particulière…
Tout d’abord, merci à vous et aux
Editions Paalga. Je suis content de cette opportunité que vous m’offrez dans votre
journal. Beaucoup de gens pensent que le journaliste ne sait que poser des
questions, de pareilles occasions sont à renouveler un peu partout pour
permettre de le connaître sous une autre facette.
Jérôme William Bationo
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