Zêdess
«Je serai candidat à la présidentielle de 2015»
Après la chute du
régime Compaoré qu’il a combattu dans ses chansons, Zêdess ne s’arrête pas
là. Son nouveau challenge c’est le fauteuil de chef d’Etat. Probable candidat à
l’élection présidentielle de 2015, dans un entretien qu’il a accordé à L’Obs.
Dim, l’artiste explique sa motivation à troquer son statut de musicien contre
celui d’homme politique. Lisez plutôt…
Comment se porte
Zêdess ?
Je me porte comme un charme.
Je tiens tout d’abord à rendre hommage à toutes les victimes
de cette insurrection, et j’adresse mes sincères félicitations à l’ensemble de
la jeunesse burkinabè. Cependant, c’est un dénouement logique d’un ensemble de
contradictions depuis 27 ans. C’est l’expression d’un peuple qui a repris son
destin en main comme je l’avais écrit il y a 14 ans : «Quand l’Etat
s’emmerde, chacun se démerde». Sans prétention aucune, je suis l’un des
derniers à être surpris de l’issue finale. J’ai la chance de faire un travail
qui me permet d’être en contact avec tous les âges et tous les genres. Comme on
le dit, les artistes sont comme des sortes de thermomètres qu’il ne faut pas
mépriser. Ça s’est terminé comme je l’écrivais dans mes chansons et comme je le
disais dans mes différentes interventions.
On a vu le Balai
Citoyen conduit par des artistes ; toi, à part tes interpellations à
travers tes chansons, quelle a été ton action sur le terrain ?
Pour la petite histoire, vous retiendrez d’abord que grand
nombre de ces jeunes qui militent dans beaucoup de mouvements ont grandi avec
mes chansons. La prise de conscience n’a pas commencé il y a une année. C’est
avec nos actions, y compris celles de nos devanciers. Il faut savoir que c’est
la conjonction de beaucoup de choses. Moi, très modestement, avec mes chansons
et d’autres avec leurs écrits et ainsi de suite. J’ai 22 ans de carrière et les
enfants qui étaient au front ont une moyenne d’âges qui tend vers ça. Aussi,
quelques-uns m’ont vu à quelques encablures de Kosyam quand les balles
sifflaient parce que je ne voulais qu’on me le raconte un jour.
Maintenant que ce
régime que tu as combattu depuis longtemps à travers tes chansons est tombé,
quelles seront tes prochaines batailles en tant qu’artiste engagé ?
J’ai eu un flash il y a trois jours (Ndlr : l’interview
a eu lieu le lundi 10 novembre 2014), je me suis dit qu’au bout d’un moment,
dans l’histoire des humains, il faut pouvoir prendre ses responsabilités. Donc
je serai candidat à la présidentielle de 2015. Je n’ai pas envie d’être
président ; d’ailleurs je suis suffisamment lucide car je n’ai pas les
moyens. Je refuse cependant que le débat politique soit confisqué par les «pros»
de la politique. Ce qui m’intéresse, c’est incarner l’inspiration de la
jeunesse et mettre le doigt où ça fait mal. Faire la politique sans langue de bois
comme je l’ai toujours fait dans mes chansons. Je ne voudrais pas que le débat
en 2015 soit du copinage. Je ne veux pas que la campagne soit émaillée de
non-dits.
Et si par hasard tu
étais élu…
Je suis suffisamment lucide pour savoir que je ne serai
jamais élu parce que je n’ai pas de billets de 1000 francs et de tee-shirts à
distribuer.
Si tu n’y crois pas,
pourquoi donc être candidat ?
Je crois en tant que candidat qui peut ouvrir le débat et
faire en sorte qu’il ne soit pas confisqué. Qu’on ne passe pas le temps à nous
parler de renforcement de capacités. Une autre virginité politique est
possible. Je veux venir, si ça peut vous faire plaisir, avec mon incompétence
mais avec mes gros sabots dans le plat.
On a vu Michel Martelly
en Haïti pour qui ça a marché ; Adama
Dahico en Côte d’Ivoire qui est passé pour un taquin, et bien d’autres exemples
d’artistes ailleurs qui ont mis le pied dans le plat politique. Ne penses-tu
pas que c’est du déjà vu et ne vois-tu pas le risque de passer pour un
farceur ?
Il faut respecter le point de vue des gens et l’intelligence
des fans surtout et du peuple entier. Pour ceux qui me connaissent et qui
connaissent mes chansons, ils savent comment, à chaque moment important de la
vie de cette nation, je me suis impliqué, à commencer par la mort de Norbert
Zongo. Paix à son âme ! J’ai commencé à me battre contre la modification
de l’article 37 depuis 2010 et, à l’époque, personne ne s’en émouvait. Il y a
des partis politiques qui en ont fait le cheval de bataille mais qui n’existaient
même pas. Je crois que bien de personnes qui me côtoient savent qu’au-delà du
chanteur il y a en moi un discours sensé.
De quel CV te
prévaux-tu pour être candidat ?
Comme je le disais, c’est mon discours au-delà de l’artiste
qui m’a permis de militer sur la plateforme altermondialiste, de rencontrer
José Bové à deux reprises ou Mariam Traoré, l’ancienne ministre de la Culture
du Mali, etc. Aussi, il faut savoir que je suis un éducateur. Sans aucune
prétention, je n’ai aucun complexe face à un homme politique burkinabè.
Après toutes ces
explications, pourquoi ne pas soutenir simplement un candidat ou un parti
politique déjà existant ?
Je répète une fois de plus que j’ai envie d’incarner les
aspirations de la jeunesse. Je parle sms, je suis réseaux sociaux, je m’habille
comme elle et je parle son langage. Je connais le ressentiment des jeunes et
leurs préoccupations. J’ai un rapport direct avec eux.
Quels seront ton mot
d’ordre et/ou l’image que tu voudras refléter ?
D’abord, si par un coup de baguette magique j’étais
président, je vivrai comme José Mujica (Ndlr : Homme d’Etat uruguayen, dit
«président le plus pauvre au monde»). Mon mot d’ordre est celui d’un Burkina
responsable. Comme Thomas Sankara, je dirai que nul ne viendra développer notre
pays à notre place. Refaçonner le Burkinabè tel qu’on l’a connu, travailleur.
Donner l’envie à la jeunesse d’y croire en lui donnant des perspectives.
Jérôme William Bationo
Bon vent mon frangin
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