« Félicité »
Défendre
la vie face à la violence de la ville
Récit
de la vie d’une femme chanteuse le soir dans un bar, « Félicité » est ce 4e
long métrage du réalisateur sénégalais Alain Gomis. Seule œuvre africaine à la
dernière Berlinale, et qui a remporté le Grand prix du jury, ce film en
compétition à la 25e édition du FESPACO a été projeté les 1er et 2 mars 2017 à Ouagadougou.
Félicité, femme de tête. Symbole d’une
femme libre et fière, elle est chanteuse le soir dans un bar à Kinshasa. Ces genres
de cabarets des grandes capitales où, au cœur de la nuit, on noie sa fatigue et
le désespoir de la journée. Mère célibataire, sa vie bascule quand son fils de
14 ans est victime d’un accident de moto. Pour le sauver, elle se lance dans
une course effrénée à travers les rues de cette ville chaude et électrique. Un
monde de musique et de rêves où se côtoient joie et désarroi, espérance et doute.
Dans ses pérégrinations de jour comme de nuit, ses chemins croisent ceux de
Tabu…
Dans ce
film qui nous plonge dans une Kinshasa dure et violente, c’est l’énergie d’une
femme pour s’imposer, une mère qui doit défendre la vie, la sienne mais surtout
celle de son fils, face à la violence de la jungle de la mégapole.
Dieu
est cité partout, à tout moment, mais on en vient à douter qu’il soit encore
dans cette jungle urbaine. Tout le monde le cherche à sa façon. Certains
déconnectent de la réalité et communiquent avec le Monde de Dieu dans des
chants lyriques, décalés de l’environnement.
Félicité,
à défaut de chercher Dieu, cherche l’espoir, se lave de toutes les salissures
de la vie et se cherche dans la purification de la source de la forêt animiste,
la nuit, loin des bas-fonds de la ville.
L’« humain »
mâle a les traits d’un ivrogne nommé « Tabu » (sic !), force de
la nature, qui fait le dos rond à la misère en buvant, dansant et en baisant
les putes. Il aime Félicité comme la fleur d’une ronce…sa liberté, sa force de
combat, son indépendance, sa fierté, qui la tient au dessus de toutes fanges.
Il y a
tant d’amour muselé au fond de chacun d’eux…Ils finissent par le reconnaître,
le partager, en redonnant la force de revivre à l’ado amputé et qui doit savoir
qu’il peut vivre debout et heureux, même en boitant.
L’histoire
de la vie d’une ville, en fait, dont l’humanité est en perdition. Kinshasa bien
sûr, mais si proche de chacun de nous…
Avec
une musique cadencée et parfois soporifique, des scènes d’une vie quotidienne et
aussi oniriques, avec à la clé la naissance d’un amour ; à travers cette
réalisation, Alain Gomis nous embarque dans une ville d’Afrique centrale, loin
de ses origines sénégalaises, à la recherche d’une félicité de l’existence.
Un
grand et long film, important, qui se sert, avec une remarquable intelligence et
sensibilité, des lueurs de la nuit pour nous faire dialoguer avec l’intime et
le spirituel, « le fond des âmes » pourrait-on dire.
Jérôme William Bationo
Lucien Humbert
Lucien Humbert
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