3 mars 2017

« Félicité » : Défendre la vie face à la violence de la ville


« Félicité »
Défendre la vie face à la violence de la ville


Récit de la vie d’une femme chanteuse le soir dans un bar, « Félicité » est ce 4e long métrage du réalisateur sénégalais Alain Gomis. Seule œuvre africaine à la dernière Berlinale, et qui a remporté le Grand prix du jury, ce film en compétition à la 25e édition du FESPACO a été projeté les 1er et 2 mars 2017 à Ouagadougou.

Félicité, femme de tête. Symbole d’une femme libre et fière, elle est chanteuse le soir dans un bar à Kinshasa. Ces genres de cabarets des grandes capitales où, au cœur de la nuit, on noie sa fatigue et le désespoir de la journée. Mère célibataire, sa vie bascule quand son fils de 14 ans est victime d’un accident de moto. Pour le sauver, elle se lance dans une course effrénée à travers les rues de cette ville chaude et électrique. Un monde de musique et de rêves où se côtoient joie et désarroi, espérance et doute. Dans ses pérégrinations de jour comme de nuit, ses chemins croisent ceux de Tabu…

Dans ce film qui nous plonge dans une Kinshasa dure et violente, c’est l’énergie d’une femme pour s’imposer, une mère qui doit défendre la vie, la sienne mais surtout celle de son fils, face à la violence de la jungle de la mégapole.

Dieu est cité partout, à tout moment, mais on en vient à douter qu’il soit encore dans cette jungle urbaine. Tout le monde le cherche à sa façon. Certains déconnectent de la réalité et communiquent avec le Monde de Dieu dans des chants lyriques, décalés de l’environnement.

Félicité, à défaut de chercher Dieu, cherche l’espoir, se lave de toutes les salissures de la vie et se cherche dans la purification de la source de la forêt animiste, la nuit, loin des bas-fonds de la ville.

L’« humain » mâle a les traits d’un ivrogne nommé « Tabu » (sic !), force de la nature, qui fait le dos rond à la misère en buvant, dansant et en baisant les putes. Il aime Félicité comme la fleur d’une ronce…sa liberté, sa force de combat, son indépendance, sa fierté, qui la tient au dessus de toutes fanges.
Il y a tant d’amour muselé au fond de chacun d’eux…Ils finissent par le reconnaître, le partager, en redonnant la force de revivre à l’ado amputé et qui doit savoir qu’il peut vivre debout et heureux, même en boitant.

L’histoire de la vie d’une ville, en fait, dont l’humanité est en perdition. Kinshasa bien sûr, mais si proche de chacun de nous…

Avec une musique cadencée et parfois soporifique, des scènes d’une vie quotidienne et aussi oniriques, avec à la clé la naissance d’un amour ; à travers cette réalisation, Alain Gomis nous embarque dans une ville d’Afrique centrale, loin de ses origines sénégalaises, à la recherche d’une félicité de l’existence.

Un grand et long film, important, qui se sert, avec une remarquable intelligence et sensibilité, des lueurs de la nuit pour nous faire dialoguer avec l’intime et le spirituel, « le fond des âmes » pourrait-on dire.

Jérôme William Bationo
Lucien Humbert

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