3 mars 2017

« Wulu » Regard critique d’un cinéphile



« Wulu »
Regard critique d’un cinéphile

« Wulu », premier long métrage du réalisateur malien Daouda Coulibaly traite de différents thèmes de société. Projeté dans le cadre de cette 25e édition du FESPACO, un cinéphile donne son appréciation.


Pas de discours, une économie de paroles, à l’image du beau graphisme minimaliste du titrage du début et du générique…Nous sommes d’emblée happés par le regard de Ladji et allons vivre tout le film à travers son regard.
Le regard d’un enfant mal né (comme la plupart) qui a appris très tôt, et apprend à chaque instant, à survivre : faire le dos rond face à l’injustice –norme sociétale -, comprendre les yeux dans les yeux, au-delà des paroles, dans le rapport physique instinctif, sociétal…observer la déliquescence sociale qui rend vaine la rage de survivre, de « gagner » …. Physiquement et mentalement fort.
L’arrière fond culturel du Ntomo est campé intelligemment dès le début du film pour nous placer dans la « peau » du personnage au plan psychique, dans une compréhension du fonctionnement de la société au travers des repères emblématiques que sont les figures de comportement des animaux de références : le lion, le crapaud, le serpent, la pintade, le chien = « Wùlu ».
La boucherie humaine est également efficacement relayée par les scènes « parallèles » d’abattoirs des bovins.
Magnifiques prises de vue, montage d’une grande efficacité, en font un film convaincant pour dénoncer le pourrissement de la société malienne, et montrer du doigt les germes du terrorisme malien.
Une réserve chez moi néanmoins, mais peut-être que les choses ont énormément changé au Mali depuis 2008 : la rue reste crédible, vraie, crue, comme dans mon souvenir, mais la « haute société » déshabillée des bazins… ? identiques à celles d’Abidjan…l’absence totale de vie religieuse, de la prière….. j’ai du mal à croire à cela, en ce « vide » de la vie effectivement réglée par la religion au Mali,  et cela  fait perdre de la crédibilité sociétale au film, pour moi.
Au Mali (et souvent ailleurs aussi en Afrique sub-saharienne, ce sont les imams qui sont les « marabouts » du « maraboutage », qui donnent l’eau « traitée traditionnellement » pour se doucher, et boire, pour éloigner le mauvais sort…qui sont les syncrétismes de l’islam et des rites animistes.
Un beau film à voir sans hésiter, même s’il donne l’impression d’avoir été écrit « sur dossiers » et non par un connaisseur du creuset culturel malien, moulant l’alliage consubstantiel de la société, fait de cet animisme initiatique très vivant et de la religion d’Etat, et investi par le rêve d’accès à la solution à toute misère : le fric. Les ressorts sociétaux sont cela et ne sauraient être dissociés.

Lucien Humbert

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