28 mars 2014

SNC 2014: Quel bilan ?



 Quel bilan ?

Débuté le 22 mars 2014, la Semaine nationale de la Culture (SNC), placée sous le parrainage de Kadré Désiré Ouédraogo, Président de la Commission de la CEDEAO, aura tenu le pari de l’organisation. Cependant, dans quelles conditions ? Bien malin qui saura faire le bilan de la 17e édition de cette biennale à quelques heures de la fermeture de ses portes.


«Promouvoir l’économie de la culture pour une contribution au développement durable», c'est sous ce thème que la Semaine nationale de la Culture (SNC) se déroule depuis le week-end dernier à Bobo Dioulasso avec des acteurs culturels venus d'horizons divers. A l’ouverture, le parrain de la 17e  édition avait particulièrement marqué la présente par un engagement fort de son institution, à travers la signature d'un accord de partenariat  entre la CEDEAO et la SNC. Toute chose que le ministre de la Culture et du Tourisme, Baba Hama n’a pas manqué d’accueillir hautement. Par la suite, tout au long de la semaine, place était faite aux concerts avec des artistes des quatre coins du Burkina, aux Grands prix nationaux des arts et des lettres (GPNAL) dans les catégories arts du spectacle et arts plastiques, à la compétition en sports traditionnels, au spectacle off de musique, d’humour, de danses traditionnelles et modernes. Il était aussi question de dédicaces d’œuvres, de panels et différentes conférences mais aussi d’exposition muséale.
Les plus jeunes n’étaient pas en marge avec l’espace enfants. Comme à chaque édition, une foire commerciale et la gastronomie étaient au rendez-vous au siège de la SNC. Si au début de l’évènement des confrères se sont plaints des conditions de travail, certains commerçants n’ont pas manqué de relever la timidité de leurs activités. Des situations qui, on le souhaite, auront évolué positivement au fil des jours pour le grand bien de tous. En attendant la proclamation des résultats et la grande nuit des lauréats demain, notons que plusieurs compétitions prenaient fin aujourd’hui, notamment celle des arts plastiques. Les différents jurés seraient même à pied d’œuvre pour donner le palmarès de cette 17 e édition de la SNC.
 
Jérôme William Bationo




Retour sur le palmarès des GPNAL 2012

Théâtre (10 œuvres étaient en compétition)

1er :Kam Sophie Heidi, avec « Qu’il en soit ainsi »
2e :Boubacar Dao, avec « Un cauchemar pour les hommes »
3e :Edouard Gnoumou, avec « Minuit sous le soleil »


Poésie (13 œuvres étaient en compétition)

1er : Hermann Y. Nacambo : « Turpitudes matinales »
2e : Wendaogo Zombré : « L’enfant commence à comprendre »
3e : Sanou Joseph : « Nature et symbiose »


Nouvelles (17 œuvres compétissaient)

1er : Justin Stanislas Drabo avec « Les confessions d’une muette »
2e : Alexis Pamtaba avec « Au travers des pérégrinations »  

3e : Kossi Sié Hien avec « Autant en finir »

Sculpture (13 œuvres étaient en lice)

1er : Edmond Kondolemkounga (Kadiogo) : « Droit de femme »
2e : Oumar Ouédraogo (Kadiogo) : « La parenté à plaisanterie »
3e : Roger G. Bambara (Kadiogo) : « Solidarité protectionniste »


Batik (8 œuvres étaient en compétition)

1er : Idrissa Zoundi (Kadiogo) : « Valorisation de nos richesses naturelles et culturelles»
2e : Hermann Y. Yonli (Kadiogo) : « Le rakiré (parenté à plaisanterie)
3e : Samuel W. Ouédraogo (Houët) : « Le Ben’naaba et sa troupe »


 Peinture (10 œuvres en compétition)

1er : Pouitba Ouédraogo (Kadiogo) avec « Tradition du dialogue »
2e : Elvis Aristide Bazongo (Houët) avec « L’émotion »
3e : Sié Kambou (Houët) avec « Enfant de la Rue »


Arts composites (8 œuvres étaient compétition)

1er : Julien Zongo ( Kadiogo) avec « Conservons notre culture »
2e : Sidikiba Camara (Houët) avec « Chevalet de la culture »
3e : André Junior Sanou (Houët) avec « Jeune fille et excision »


Danse traditionnelle (22 groupes)

1er : Ensemble culturel Kiswendsida (Kadiogo )
2e : Nikienta de Dédougou
3e : Warba de Bologo du Boulkiemdé.

Création chorégraphique (5 groupes)

1er : Ensemble artistique ACAMA, secteur 22, Signonghin (Kadiogo)
2e : Tamadia du Houët
3e : Troupe Yadéga du secteur 9 (Kadiogo).

Chœurs populaires (10 groupes)

1er : Sérékini (Houët)
2e : Benkadi de Darsalamy (Houët)
3e : Laafi-la-Bumbu de Ourgou (Manéga).

Musique traditionnelle instrumentale (19 groupes)

1er : Zoodo de Tiga (Gourma)
2e : Troupe Kabako (Banfora)
3e : Yiribasso (Dédougou)

Vedette de la chanson traditionnelle (19 groupes)

1er : Nékré (Sapouy)
2e : Bibata Nana, secteur 15 (Kadiogo)
3e  Nindja Ouoba (Gourma)

Orchestre (10 groupes)

1er : Orchestre de l’Université de Ouagadougou
2e : La trompette de l’espoir (Kadiogo)
3e : Walomia (Houët)

Danse traditionnelle pool jeunes (10 groupes)

1er : Yriba den (Houët)
2e : Compagnie Palin Wendé, secteur 2 (Kadiogo)
3e : Liwaga de Rouko (Bam)

Ballet pool jeunes (15 groupes)

1er : Les majorettes du Centre, secteur 17 (Kadiogo)
2e : Silué du Houët
3e : Troupe espoir de Koudougou (Boulkiemdé)

25 mars 2014

"Une couverture pour six" au Cartel



Lancement de la saison théâtrale

La saison théâtrale du Cartel a rouvert ses portes le vendredi 21 mars dernier. Devant s’étaler sur toute l’année 2014, les Ouagalais sont à nouveau invités dans plusieurs espaces pour découvrir différentes créations. Le bal a été lancé à travers «Une couverture pour six», la représentation d’une pièce d’Alain Hema.


 
Pour ne pas la laisser seule le jour de son anniversaire, parce qu’ayant un empêchement, un mari propose à sa maîtresse de venir passer du temps chez lui. Afin de justifier cette présence plus qu’inopportune vis à vis de sa femme, le mari invite aussi un de ses amis pour qu'il ait l'air d'être l'amant de la ravissante créature. Cependant, il ignore parfaitement que sa propre femme est la maîtresse de cet ami ! Dans la même foulée, la femme engage une domestique pour assurer le service pendant ce week-end. Pure coïncidence, la servante et la maîtresse se prénomment toutes deux Brigitte et ce petit détail va faire basculer cette organisation dans une cascade de quiproquos et d'imbroglios à n’en pas finir.... C’est ce qu’est «Une couverture pour six» d’Alain Hema. Cette pièce, proposée pour le lancement de la saison théâtrale du Cartel, est une comédie relatant un fait de société, «une situation d’amant et /ou de mari trompé», qui existe partout, dit-il. Une production qui est la réécriture, dans un contexte africain, de la pièce «Un pyjama pour six» de Marc Camoletti. Avec cette représentation, la saison théâtrale est ouverte, même si c’est avec un léger retard,  pour tous les amoureux du théâtre. Une situation qui s’explique par les activités des Récréâtrales qui se tiennent également cette année. «Il faudra noter aussi l’absence récemment de certains de nos artistes qui étaient au Masa», se justifie Alain. L’édition 2014 sera marquée par plusieurs innovations, notamment la décentralisation des spectacles, avec la participation des villes de Ziniaré et de Kombissiri, mais aussi les diffusions plus longues dans le temps. Le théâtre prend un certain élan au Burkina et il est important de «confronter permanemment les créations au public afin d’avoir des retours pour permettre l’amélioration de celles-ci», a-t-il en outre fait savoir. En prévision pour cette année, les mordus des belles créations auront au programme «Une couverture pour six», un spectacle de marionnettes, deux productions qui sortiront des Récréâtrales, à savoir «La malice des hommes», un texte de feu Jean-Pierre Guingané et «A petite pierre» de Gustave Akakpo du Togo, qui seront mises en scène par Aristide Tarnagda et Paul Zoungrana. Il faudra également compter avec le retour sur les planches d’Alain Hema «himself», qui jouera dans «L’ours» de Tchekhov, avec pour metteur en scène Ildevert Meda.

Jérôme William Bationo

20 mars 2014

Une nuit à la présidence

Quand le théâtre se frotte à la politique et s'y consume?

La scène de théâtre peut-elle être une tribune politique ? Le théâtre peut-il parler la langue de bois du politique sans prendre son âme ? Réponse à partir d’Une Nuit à la Présidence de Jean-Louis Martinelli.

Gide disait que l’on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments. Cela vaut aussi pour le théâtre au regard du gâchis qu’est Une nuit à la présidence de Jean-Louis Martinelli. Et pourtant, tout était réuni pour un spectacle total. La plupart des comédiens travaillent avec le metteur en scène depuis qu’il a entamé son expérience théâtrale en Afrique : Odile Sankara, Moussa Sanou, Blandine Yaméogo.

Son succès est due à une recette qui consiste à marier le texte dramatique aux chants et musiques d’Afrique sous la conduite du grand musicien Ray Lema. Avec Médée de Max Rouquette, le metteur en scène français a réussi une œuvre magistrale avec Odile Sankara donnant à la princesse éconduite la folie et la douleur nécessaires à cette double infanticide pour la hausser au niveau des monstres au théâtre. Les chœurs bambara des femmes rythmant la montée de la tragédie sont aussi une belle trouvaille.

Dans Une Nuit à la Présidence il s’agit de faire le procès des pouvoirs politiques en Afrique à travers la participation d’un groupe de jeunes musiciens au diner organisé par le Président et sa femme en l’honneur d’un investisseur français. La boisson aidant, in vino veritas, les langues vont se délier et faire le procès de la gestion du pays. Martinelli reconduit la recette qui fit ses succès ultérieurs. Casting de mêmes comédiens à quelques exception près, et musique et chants avec Bil Aka Kora et Wendy sous la conduite de Ray Lema. Et une scénographie très proche de Médée : la grille de fer de Médée  est remplacée ici par un voile transparent rendant  les acteurs visibles depuis les coulisses.

Et cependant cela ne fonctionne plus. La magie n’opère pas. Il y a une belle brochette de comédiens, de la musique et des chants, des lumières et du mouvement mais le théâtre s’est absenté, volatilisé. Et ce pour plusieurs raisons. Martinelli a voulu se passer de texte d’auteur et a bâti sa pièce autour des improvisations de ses comédiens. De sorte que le texte est indigent, les mots de tous les jours se promènent sur scène sans en avoir revêtu le costume.

Le metteur en scène a oublié que le théâtre ne peut s’emparer des brèves de comptoirs et des bons mots de la rue  sans les passer à la moulinette de l’écriture dramatique, car la scène n’est pas la rue. Ainsi le célèbre discours de Thomas Sankara à l’OUA, converti en chant par Bil Aka Kora, perd de sa force politique sans faire  un beau chant ! Ce qui n’est aucunement  la faute du chanteur, car ce discours aurait pu être fredonné  par Las Callas avec tous les préalables du bel canto, le résultat n’aurait pu  être autre que ce long intermède d’ennui.

En outre, Martinelli a voulu parler de politique africaine sans en comprendre  les enjeux ni maîtriser les subtilités. Aussi les lieux communs et les clichés fleurissent-ils  sur les lèvres des comédiens dès qu’ils ouvrent la bouche. Cette pièce se veut une critique des pouvoirs africains. Soit ! Mais elle verse rapidement dans la caricature, ce qui  dessert  le propos. Tous les personnages sont des blocs monolithiques, sans fêlure, sans nuances.

Autant le Président est un bouffon n’ayant même pas la subtilité d’ Ubu Roi de Jarry ; autant Aminata, la ministre rebelle campée par Odile Sankara qui est un clone de l’ancienne ministre de la culture du Mali et militante altermondialiste Aminata Traoré, a la rigidité d’une statue. L’ex-ministre aurait participé à l’écriture du texte et Martinelli tenait apparemment à en faire une statue d’engagement et un parangon de vertu.

Libre à lui d’être thuriféraire de la dame mais le spectateur ne vient pas au théâtre pour s’agenouiller devant des idoles d’une autofiction théâtrale il y vient pour voir des humains agir. Regarder des hommes et des femmes pris dans les rets de la vie et qui s’agitent, se jettent dans l’action avec leurs forces et leurs faiblesses. Pourtant, il n’y a pas d’humains dans cette pièce. Les personnages sont des blocs de sottise (le Président, La Première dame, l’Invité occidental) et une déesse (La ministre) qui observe le monde avec morgue, juchée sur son piédestal.

Une Nuit à la Présidence est un Titanic; on y entre en espérant une croisière de  rêve et dès qu’il a appareillé, c’est  le naufrage…Tout se désagrège et va à vau-l’eau.

Pour conclure, il faut dire que le matériau politique peut et doit inspirer le théâtre, car c’est l’art le plus éminemment politique. Mais il s’agit de transformer le matériau politique en matière dramatique par les ressources de l’art mais non d’une transposition brute. Si on peut discuter de l’existence de l’art brut en peinture, au théâtre il n’est pas de doute qu’il n’existe. On convoque souvent Brecht pour justifier les engagements au théâtre, mais on oublie que c’est par son esthétique théâtrale et non par son engagement marxiste que Brecht est grand.

Si Martinelli est un africaniste, ce dont il ne faut point douter, il peut rendre service au continent autrement. D’ailleurs, en travaillant avec des comédiens et des musiciens africains, il contribue au développement du théâtre. Il serait heureux qu’il  s’y tienne et laisse la harangue politique à ceux dont c’est le métier! Car en se piquant de nous balader dans les arcanes de la politique en Afrique à partir d’improvisations, Une Nuit à la Présidence tend aux Africains une image boursouflée d’eux-mêmes. Ce qui n’est certainement pas son intention.

Saïdou Alcény Barry

18 mars 2014

" Les arts du spectacle face au défi du numérique"



Retour sur les rencontres professionnelles du MASA

Le rendez-vous des arts du spectacle africain d’Abidjan en marge des différentes prestations a accordé une part belle à la réflexion. Placé sous le thème «Les arts du spectacle face au défi du numérique», la 8e édition du MASA a permis de se pencher, à travers des rencontres professionnelles, sur une question qui y va, de nos jours, de la compétitivité des artistes africains et de leurs créations sur le plan international.

 

De plus en plus de créateurs choisissent d’intégrer le numérique à leurs démarches artistiques non seulement comme moyens de création mais également de diffusion. Ainsi, loin d’être une simple concession à la modernité, l’irruption du virtuel a fait naître sur scène une certaine poésie, elle offre des possibilités de collaborations artistiques jadis inenvisageable et s’impose comme un canal majeur de diffusion de la création. En exemple, des musiciens peuvent de nos jours enregistrer un album sans se rencontrer ou plutôt on peut suivre en direct un spectacle qui se passe ailleurs en restant sur sa chaise. A travers les rencontres professionnelles du Marché des arts du spectacle africain (MASA), il était surtout question de présenter et d’analyser les changements de normes et de stratégies que le développement des technologies de l’information et de la communication amènent dans les différents secteurs de la musique, de la danse, du théâtre, du conte, de l’humour, etc. Dans les interventions des uns et des autres, qui devaient esquisser des pistes communes à la hauteur du défi du numérique pour les industries créatives en général, et pour les arts de la scène en particulier, si certains acteurs culturels sont très favorables à la nouvelle donne qu’offre cette science des techniques, d’autres n’hésitent pas à manifester leurs inquiétudes, au nombre desquels la reine mère Werewere Liking du village Kiyi ou Guiomar Alonso, chef unité Culture du bureau régional de l’Unesco. L’intrusion du numérique dans les arts du spectacle a induit de nouveaux modes de consommation des produits de création et cela n’est pas sans incidence sur l’économie de la culture en général mais aussi sur la législation qui doit s’adapter afin de garantir aux créateurs, notamment africains, des retombées à la hauteur de leur travail. Pour Etienne Minoungou, premier responsable des Récréâtrales au Burkina Faso, si l’Afrique a été devancée sur l’utilisation des TICs il ne faudra pas qu’elle perde dans la proposition du contenu. Issa Ouédraogo, administrateur du Carrefour international de théâtre de Ouagadougou (CITO), pour sa part a fait savoir que «quoiqu’on dise, on a besoin de cet outil pour véhiculer ce que nous faisons. Quand tu crée un spectacle, même si tu na pas les moyens pour sa diffusion tu peux le mettre sur internet ; il ya des avantages mais aussi des inconvénients et chacun va l’utiliser en conséquence». On peut retenir que de ces différentes rencontres, les interrogations suscitées vont dans le sens de : quelles nouvelles opportunités économiques représente la révolution numérique pour les arts du spectacle ? Quels sont les défis engendrés par ces opportunités ? Quelles législations peut-on envisager pour concilier les droits du créateur, du public et des opérateurs numériques ? Des questions, à notre sens, qui ne sauraient trouver de réelles réponses actuellement quand on connaît les réalités ou plus encore les préoccupations de nos populations en Afrique.

Jérôme William Bationo