« L’Alliance familiale »
« Carrefour
des art plastiques » organisé du 19
octobre au 11 novembre 2012 à Ouagadougou. Une rencontre du donné et du
recevoir. D’un côté, le public, plus ou moins connaisseur et essentiellement ouagalais,
de l’autre une plate-forme
commune de promoteurs d’arts plastiques (Goethe-Institut/Bdl, Institut
français, Hangar 11, Villa Yiri Suma, espace Napam Beogo et Fondation Bras
ouverts). La magie des couleurs accroche le regard comme l’arc-en-ciel. Le
professeur Yacouba Konaté, critique d’art averti venu des abords de la lagune Ebriée
initie un groupe de journalistes à la critique d’art.
À la Fondation « Bras
ouverts », le tableau « L’Alliance
familiale » de Da Costa, un jeune peintre togolais retient
l’attention. Il est accroché, comme s’il l’était de façon définitive dans un
jardin. C’est une belle pièce d’art mural réalisée avec de la peinture
acrylique sur un support de bois qui se lit aisément sur un pan de mur dont la
couleur semble avoir pris, exprès, de l’âge. Le mur, teinté de l’humus de la
terre nourricière intègre cet élément étranger surgit de l’imagination
créatrice d’un peintre enraciné dans les traditions picturales et cultuelles de
l’Afrique. Le matériau choisi comme support, du bois composite, fait de planches
usitées, de chutes d’atelier de menuiserie, donne à l’ensemble un relief
différencié à l’exemple des portes en planches de bois des cases de ces
villages africains où cette matière abonde. L’ensemble est bien rendu dans un
style semi figuratif, plaisant à regarder, proportionné, presque symétrique par
l’occupation spatiale des personnages, sept au total, dont un enfant au milieu
de six figures adultes.Son auteur, la trentaine révolue s’appelle Kwami Paul Da Costa à l’état civil. Lui-même fruit d’un métissage, le jeune Da Costa dont le nom rappelle étrangement la présence des navigateurs portugais sur les côtes du Golf de Guinée depuis le XVe siècle est issu d’une famille chrétienne au cœur d’une cité majoritairement haoussa et musulmane : Agoè Digo, à la lisière de la frontière bénino-togolaise. Le peintre use de son histoire personnelle comme d’une muse. « Nous sommes différents, certes, mais unis dans la vie de chaque jour aux autres dont nous dépendons et qui dépendent de nous », d’où l’idée de famille, ici représentée par des personnages dont on identifie aisément les silhouettes longilignes et figées dans le temps, bouche bée, comme des fétiches cultuels dans nos concessions ancestrales.
L’œuvre de Da Costa se présente également
comme le fruit d’une méditation sur le présent et le devenir de cette famille africaine
traditionnelle. « C’est au bout de
l’ancienne corde qu’il faut tresser la nouvelle » dit la sagesse des
anciens. Mais aujourd’hui, les cordes qui symbolisent les liens familiaux et
qui enserrent les planchettes de bois entre elles fait de l’ensemble un tout, dans
un état de solidité peu rassurant. À l’exemple de la coloration un peu « inconfortable »
de l’ensemble du tableau. C’est le doute qui s’installe au cœur de la famille
africaine dont les intellectuels ventent encore la solidarité légendaire. De
plus, les liens familiaux ne sont pas toujours garants de joie et de sérénité
dans les foyers. Le peindre y remédie en optant de montrer des couples
monogames, car croit-il, la polygamie est source d’instabilité dans les
familles africaines. Les vicissitudes que traverse la famille aujourd’hui ne
sont pas toujours dues à des influences néfastes venues de l’extérieure.
L’Afrique porterait en elle-même les germes d’auto destruction de ses valeurs
cardinales. Pour exprimer le malaise, l’artiste choisit des tonalités sombres
et tristes.
Si les contours du haut du sont
clairement découpés et donnent à distinguer des têtes humaines, le bas du
tableau se fige en un relief tourmenté, fragmenté, déchiqueté et donc fragilisé,
qui inspire l’impression d’instabilité d’une société déstabilisée sur ses
assises. Où trouver un socle stabilisateur ? L’auteur propose une forme d’éclairci
ici représenté par l’enfant au cœur de la concession et de la cellule familiales.
L’espoir renait. Serait-ce la reproduction d’une scène de Noël (un enfant
sauveur) dans le subconscient de l’artiste issu d’une famille christianisée
depuis au moins dix générations ? On remarque aussi des taches de couleurs
noire, blanchâtre et rouge sur la planche centrale du tableau. Ce sont les
trois couleurs fondamentales de l’Afrique. La couleur noir symbolise le sombre
passé de l’Afrique, la blanchâtre la lueur d’aube que connait le présent d’une Afrique
pourtant en crise. Le rouge, symbolique de la vie et du soleil, exprime la foi en
l’avenir de l’Afrique. Cette petite touche rouge donne de la valeur ajoutée à
l’ensemble du tableau.
Thomas Dakin POUYA
Legende:
Da Costa (Togo), « L’Alliance
familiale », Fondation « Bras ouvert », Ouagadougou 2012.
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