14 nov. 2012


« L’Alliance familiale »

« Carrefour des art plastiques » organisé du 19 octobre au 11 novembre 2012 à Ouagadougou. Une rencontre du donné et du recevoir. D’un côté, le public, plus ou moins connaisseur et essentiellement ouagalais, de l’autre une plate-forme commune de promoteurs d’arts plastiques (Goethe-Institut/Bdl, Institut français, Hangar 11, Villa Yiri Suma, espace Napam Beogo et Fondation Bras ouverts). La magie des couleurs accroche le regard comme l’arc-en-ciel. Le professeur Yacouba Konaté, critique d’art averti venu des abords de la lagune Ebriée initie un groupe de journalistes à la critique d’art.   
À la Fondation « Bras ouverts », le tableau « L’Alliance familiale » de Da Costa, un jeune peintre togolais retient l’attention. Il est accroché, comme s’il l’était de façon définitive dans un jardin. C’est une belle pièce d’art mural réalisée avec de la peinture acrylique sur un support de bois qui se lit aisément sur un pan de mur dont la couleur semble avoir pris, exprès, de l’âge. Le mur, teinté de l’humus de la terre nourricière intègre cet élément étranger surgit de l’imagination créatrice d’un peintre enraciné dans les traditions picturales et cultuelles de l’Afrique. Le matériau choisi comme support, du bois composite, fait de planches usitées, de chutes d’atelier de menuiserie, donne à l’ensemble un relief différencié à l’exemple des portes en planches de bois des cases de ces villages africains où cette matière abonde. L’ensemble est bien rendu dans un style semi figuratif, plaisant à regarder, proportionné, presque symétrique par l’occupation spatiale des personnages, sept au total, dont un enfant au milieu de six figures adultes.
Son auteur, la trentaine révolue s’appelle Kwami Paul Da Costa à l’état civil. Lui-même fruit d’un métissage, le jeune Da Costa dont le nom rappelle étrangement la présence des navigateurs portugais sur les côtes du Golf de Guinée depuis le XVe siècle est issu d’une famille chrétienne au cœur d’une cité majoritairement haoussa et musulmane : Agoè Digo, à la lisière de la frontière bénino-togolaise. Le peintre use de son histoire personnelle comme d’une muse. « Nous sommes différents, certes, mais unis dans la vie de chaque jour aux autres dont nous dépendons et qui dépendent de nous », d’où l’idée de famille, ici représentée par des personnages dont on identifie aisément les silhouettes longilignes et figées dans le temps, bouche bée, comme des fétiches cultuels dans nos concessions ancestrales.

L’œuvre de Da Costa se présente également comme le fruit d’une méditation sur le présent et le devenir de cette famille africaine traditionnelle. « C’est au bout de l’ancienne corde qu’il faut tresser la nouvelle » dit la sagesse des anciens. Mais aujourd’hui, les cordes qui symbolisent les liens familiaux et qui enserrent les planchettes de bois entre elles fait de l’ensemble un tout, dans un état de solidité peu rassurant. À l’exemple de la coloration un peu « inconfortable » de l’ensemble du tableau. C’est le doute qui s’installe au cœur de la famille africaine dont les intellectuels ventent encore la solidarité légendaire. De plus, les liens familiaux ne sont pas toujours garants de joie et de sérénité dans les foyers. Le peindre y remédie en optant de montrer des couples monogames, car croit-il, la polygamie est source d’instabilité dans les familles africaines. Les vicissitudes que traverse la famille aujourd’hui ne sont pas toujours dues à des influences néfastes venues de l’extérieure. L’Afrique porterait en elle-même les germes d’auto destruction de ses valeurs cardinales. Pour exprimer le malaise, l’artiste choisit des tonalités sombres et tristes.
Si les contours du haut du sont clairement découpés et donnent à distinguer des têtes humaines, le bas du tableau se fige en un relief tourmenté, fragmenté, déchiqueté et donc fragilisé, qui inspire l’impression d’instabilité d’une société déstabilisée sur ses assises. Où trouver un socle stabilisateur ? L’auteur propose une forme d’éclairci ici représenté par l’enfant au cœur de la concession et de la cellule familiales. L’espoir renait. Serait-ce la reproduction d’une scène de Noël (un enfant sauveur) dans le subconscient de l’artiste issu d’une famille christianisée depuis au moins dix générations ? On remarque aussi des taches de couleurs noire, blanchâtre et rouge sur la planche centrale du tableau. Ce sont les trois couleurs fondamentales de l’Afrique. La couleur noir symbolise le sombre passé de l’Afrique, la blanchâtre la lueur d’aube que connait le présent d’une Afrique pourtant en crise. Le rouge, symbolique de la vie et du soleil, exprime la foi en l’avenir de l’Afrique. Cette petite touche rouge donne de la valeur ajoutée à l’ensemble du tableau.

                                                                                                                         Thomas Dakin POUYA
                                                                                        

Legende:

Da Costa (Togo), « L’Alliance familiale », Fondation « Bras ouvert », Ouagadougou 2012.

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