10 oct. 2014

Etienne Minoungou, directeur des Récréâtrales : «Cette année, c’est un appel à la responsabilité, à la vérité…»



Etienne Minoungou, directeur des Récréâtrales
 «Cette année, c’est un appel à la responsabilité, à la vérité…»

La 8e édition des Résistances panafricaines d’écritures, de création et de recherche théâtrales (Récréâtrales), pour la plateforme festival, se tiennent du 25 octobre au 8 novembre 2014 à Ouagadougou. Jetant, cette année, un regard critique sur le contexte sociopolitique du Burkina, la manifestation propose une programmation artistique alléchante. Dans cet entretien qu’il nous a accordé le lundi 6 octobre 2014, le premier responsable des Récréâtrales, Etienne Minoungou, énonce les grandes lignes de l’évènement et donne son appréciation de l’environnement culturel de notre pays.

Nous sommes à l’orée des Récréâtrales ; comment se prépare la présente édition ?

Les Résistances panafricaines d’écritures, de création et de recherche théâtrales (Récréâtrales) ont engagé leur 8e édition. Actuellement, dans le quartier Gounghin, nous travaillons pour créer un espace gigantesque d’émotion à travers la scénographie, des couleurs et de la lumière. Aussi, à travers les créations théâtrales qui sont en œuvre et en répétition dans les différentes cours familiales. On travaille également à la communication de l’évènement qui va se tenir du 25 octobre  au 2 novembre prochain, afin d’attirer le maximum de professionnels et de public, pour qu’ils participent activement et  prennent du plaisir à suivre les différentes programmations.

A quoi peut-on s’attendre en termes de contenu pour cette année ?

Les Récréâtrales, c’est 14 spectacles très forts, du registre comique au registre dramatique, une soixantaine de représentations théâtrales et un grand plateau musical avec l’ensemble des vedettes musicales du Burkina. Une innovation majeure avec un deuxième plateau qui va accueillir les lauréats de la dernière édition de la Semaine nationale de la Culture (SNC) pour donner une visibilité aux instrumentistes et aux musiciens qui ont été repérés à cette manifestation. C’est un exemple de partenariat public-privé. Aussi, pour cette année, nous aurons un colloque scientifique sur le thème «Art et territoire», sur lequel on travaille depuis 2008. Car l’art est un aménageur du territoire au même titre que l’urbanisme ou la géographie. Ce colloque va réunir des spécialistes de plusieurs universités africaines et européennes. Une autre innovation, c’est le salon des métiers de la culture et de la création qui permettra aux différents acteurs qu’on n’a pas toujours l’opportunité de voir ensemble de se retrouver en un seul lieu.

Le thème de cette édition des Récréâtrales, c’est «Tenir la main au futur, qu’il ne tremble pas, qu’il sourie !» ; qu’est-ce qui explique le choix de celui-ci ? Est-ce l’actualité sociopolitique au Burkina ?

Vous savez que l’artiste vit dans son temps et avec son temps. Il suit la respiration de ce temps ; et il nous a semblé à l’entrée de cette année, quand nous voulions planifier les Récréâtreales, qu’il y avait une aspiration forte des Burkinabè par rapport à l’avenir du jeu politique de notre pays. Il y a aussi un désir de fraternité qui n’arrive pas à s’exprimer de façon claire, mais qui s’exprime dans la peur, la colère ou la crispation, que nous constatons avec notre lecture de poète. Pour nous, le choix de ce thème est un appel à la responsabilité, à la vérité, au courage, à la lucidité. Et on veut le faire dans la beauté parce que ce n’est pas une période anecdotique de notre histoire politique. Vous verrez que la scénographie du quartier sera dans cette quête. Beauté, force, courage, espérance, en lumière et en couleurs.

En douze ans d’existence, quel regard peut-on porter sur la manifestation aussi bien au niveau national qu’international ?

Il y a des atouts. Au  niveau international, l’évènement a réussi à se positionner comme un rendez-vous incontournable de tous les professionnels du théâtre. Il est également perçu par tous ces professionnels comme étant un véritable espace de travail et de recherche. Sur le plan national, cette manifestation a réussi à faire du quartier Gounghin une singularité territoriale.

Alors qu’est-ce qui a motivé le choix de Gounghin et comment se passe la cohabitation avec les populations de ce quartier ?


C’est par hasard que le Cartel s’est installé ici en 2007 ; et comme les Récréâtrales sont un projet majeur du groupe, il s’est retrouvé là. Certes beaucoup de familles nous ont ouvert les bras, mais ce serai naïf de croire qu’en s’inscrivant dans une communauté sociale de cette façon, tout est positif.

A combien s’élève le budget de cette 8e édition des Récréâtrales ?

Le budget prévisionnel, celui espéré pour que l’évènement se passe dans les meilleures conditions, tourne autour de 250 millions de francs CFA. Il comprend à la fois la quarantaine qui s’est tenue au mois de février, les différentes étapes de travail jusqu’à la plateforme festival. A peu près 5 mois d’évènements qui mobilisent environ 300 artistes. Nous n’avons pas encore bouclé tout le budget car, cette année, l’accompagnement au niveau local par exemple est très faible.

Les Récréâtrales font partie des évènements privés qui bénéficient d’un soutien financier de l’Etat. A combien s’élève cet accompagnement ?

Cette année nous avons reçu un million. Comme je le disais, c’est peu comparativement à l’an dernier où le ministère de la Culture nous avait donné 10 millions.

Certaines voix s’élèvent contre le soutien dont bénéficient certaines grandes manifestations, notamment la vôtre, car, pour elles, vous êtes toujours de passage au pays pour amasser des subventions ; et, de plus, les Récréâtrales devraient s’autofinancer maintenant et permettre aux plus jeunes évènements de profiter de ces subventions. Que réponds-tu à cela ? Et quel est l’impact des Récréâtrales sur le paysage culturel burkinabè ?

Tout d’abord ce n’est pas à moi de faire le bilan des Récréâtrales. Les observateurs avisés du domaine de la culture peuvent tirer leur plan sur l’impact de la manifestation. Pour ceux qui disent que nous ne venons que pour faire un évènement et repartir, je laisserai les uns et les autres apprécier la situation. Pour un évènement qui dure 150 jours tous les deux ans, sans compter les périodes de préparation, j’aimerais voir celui qui en fait autant au Burkina Faso. Une manifestation qui arrive à employer plus de 200 Burkinabè sur place, j’aimerais qu’on vienne me dire que c’est un évènement hyper ponctuel. Que le ministère de la Culture et plusieurs acteurs reconnaissent le mérite de la manifestation en lui décernant un prix à la nuit des Lompolo, vous ne me direz pas que le ministère n’a pas raison de soutenir un tel projet ; je voudrais voir quel type d’argumentaire construisent ceux qui pensent de la sorte.

Que penses-tu donc des dispositifs mis en place pour soutenir les activités culturelles au Burkina ?

Pour moi il n’y a pas encore un soutien structurel conséquent pour appuyer l’activité culturelle dans notre pays. Je pense même qu’il faut inventer ce dispositif. Les outils sont annoncés, comme l’ADICC (Ndlr : Agence de développement des industries culturelles et créatives), mais ils ne sont pas encore mis en place. Tout le monde est dans l’expectative. Le seul regret que j’ai est qu’on dise que le Burkina est un pays culturel sans dire quel est le prix que les acteurs privés payent pour qu’on puisse chanter cela de haut en bas.

Quelles sont les perspectives des Récréâtrales pour les éditions prochaines ?

On a mis en place un laboratoire de réflexion, ELAN, sur les différents segments du théâtre. C’est dans ce dispositif que nous pensons les perspectives des Récréâtrales. L’idéal pour nous est que le théâtre aille à tous et que les différents acteurs puissent vivre normalement de leurs métiers.

Une adresse particulière à l’endroit du public burkinabè…

C’est inviter les gens à faire le déplacement de Gounghin pour vivre l’ensemble de notre programmation et participer à la fête. Aussi dire aux uns et aux autres qu’en concertation avec les autorités sanitaires et celles de la ville, nous sommes extrêmement vigilants pour ne pas être une porte d’entrée d’Ebola. Nous prendrons les mesures nécessaires pour épargner le Burkina du cas que vivent d’autres pays tout en étant en solidarité avec ces derniers.

Jérôme William Bationo

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