Ismaïla Zongo dit
Papus
«...on serait tous des requins»
Producteur-manager, depuis peu au petit écran, il porte plusieurs
casquettes, on peut le dire. Surnommé «Le commandant» Papus, comme l’appelle le
grand public, dans cette entrevue qu’il a accordée à L’Obs. Dim dans les nouveaux locaux de sa structure,
Merveilles Production, retrace son parcours et donne les grandes lignes de l’émission
Café, qui change de nom et dont il est l’animateur. A travers les lignes qui
suivent, Ismaïla Zongo répond également sans ambages aux «spéculations» et aux
dires qui fusent à son sujet.
Comment se porte Papus ?
Je vais bien. Certes en plein
déménagement, mais je vais bien.
Je suis Ismaïla Zongo à l’état
civil, Papus pour tout le monde, producteur, manager, éditeur et également dans
la communication.
Peux-tu nous faire un bref aperçu de ton parcours ?
Très tôt, j’ai commencé comme
animateur radio-télé car étant très passionné de ce domaine. Plus tard, en
1999, c’est une maison de disque, à savoir Seydoni Production, qui m’accueille. Après 5 ans passés en tant que
chargé de promotion artistique dans cette structure, je me retrouve à Tam-Tam
Production pour 2 ans. Par la suite, j’ai créé ma structure, Merveilles
Production. Au départ, c’était pour la production et le management des artistes,
mais nous l’avons élargie pour la communication et la production d’émissions
télévisuelles.
On te connaît davantage en tant que producteur-manager ; peux-tu
nous dire davantage là-dessus ?
Avec l’expérience que j’ai
acquise, mon métier de producteur se rapporte à celui d’une personne qui pense
qu’un artiste a un potentiel ou un talent donné et elle s’engage à
l’accompagner sur le plan financier avec la production, la promotion et la mise
en vente de son œuvre. Pour ce qui concerne le travail de manager, il consiste
en la gestion de la carrière d’un artiste ; pour ça je dirai que c’est
beaucoup plus relaxe parce que j’ai maintenant des assistants.
En ce qui concerne la production et le management, ce domaine du
show-biz où tu fais partie des pionniers, on entend très souvent dire que Papus
est un de ces requins qui ne laisse pas de répit aux petits poissons, à savoir
les plus jeunes qui arrivent dans ce milieu ; qu’est-ce-que tu réponds à
cela ?
Il faut dire qu’il y a un certain
fantasme quand on parle de notre milieu. De toute façon ce n’est pas moi qui
vais l’arrêter. Ça fait partie du jeu, comme de la même façon on a une vue des
hommes politiques quand on est en dehors de la politique. Avant tout, nous
sommes des hommes et des femmes qui ont une passion et qui ont envie de faire
ce métier avec assez d’amour. Cependant, c’est un boulot qui nécessite qu’on s’impose
une certaine rigueur de même qu’aux autres. A mon niveau, c’est ce que j’essaie
de faire. Cependant, à travers le mot requin je ne sais pas ce que les gens
pensent. Veulent-ils dire que nous sommes des exploiteurs ou que nous sommes
des gros gabarits ? Dans tous les cas, je tiens à dire que si c’était si
facile de prendre un artiste et d’en faire un succès, on serait tous des requins.
Il y a un travail à faire en amont et en aval, déceler un talent et croire en
lui. Ça peut marcher comme ça peut ne pas l’être aussi. Quand ça va, tant
mieux. Il y aura des gens pour dire que vous êtes bien et d’autres non. Quand
c’est le contraire, c’est tout seul que vous vous prenez le poing dans la
gueule.
Tu as parlé tantôt d’exploiteurs ; il est également ressorti que
tu es «trop gourmand» dans ta répartition des revenus avec les artistes ;
dans quelle fourchette se situent tes taux de redistribution ?
(Rires). Je n’ai pas besoin de vous
dire les taux que j’applique. Le règlement est clair par rapport aux taux.
Comme le disait quelqu’un, 90% de 0 franc c’est 0 franc. Le plus important ce
n’est pas le taux, mais ce qu’on gagne par rapport au volume de ce qu’on
apporte. Plus le gâteau est grand, plus la part est grande. Des artistes sont
venus me dire, «Papus, je suis prêt à t’accorder une bonne partie des mes
revenus». Si vos revenus ne représentent rien, ça ne sera rien. Ce n’est pas ça
le débat. Je vous informe que le manager d’Elvis Presley ponctionnait plus de
60% de ses revenus, mais cela n’a pas empêché Presley d’être un homme riche.
Cela dépend de ce que le manager investissait dedans aussi. Donc, les gens ne
peuvent pas discuter de ce que nous gagnons s’ils ne savent même pas ce que
nous investissons. Nous ne sommes pas les seuls à faire du business dans le
pays. Quand vous allez acheter du riz ou du ciment vous ne leur posez pas ces
questions. Je crois que c’est aux artistes qui travaillent avec moi d’en juger
mais pas au public. Si c’était facile de prendre un pourcentage et de se faire
des sous, j’allais prendre beaucoup d’artistes, ce qui n’est d’ailleurs pas le
cas.
En parlant de nombre d’artistes, combien en comptes-tu dans ton écurie ?
J’en ai en termes de management
et de production. Les deux confondus, je travaille avec une dizaine d’artistes
environ.
Tu es membre du commissariat général des Kundé ; en quoi consiste
exactement ton travail dans cette organisation, et, que dis-tu à ceux qui
pensent que tu es juge et partie, vu que des artistes de ton écurie y sont
constamment nominés ou en prestation ?
Mon rôle est de conseiller et de faire
des suggestions sur un certain nombre d’aspects. Pour ce qui concerne les
règles et les critères, ça ne relève pas de mes compétences. S’il y a un
jugement sur le plan artistique à donner, même dans le contenu de la soirée,
sur le conducteur ou sur les artistes qui vont prester, je suis sollicité. Je
ne suis pas un maître à penser. On estime que je connais le paysage musical du
Burkina Faso et que ma parole peut servir. Je donne donc mes avis. Je ne suis
pas en rapport avec le jury et n’interviens aucunement sur les nominations. Je
dis donc que c’est un faux procès de penser autrement.
Tu es le promoteur de «Café» sur la chaîne nationale. Eclaire-nous sur
le sujet.
C’est un concept qui m’est venu à
l’idée parce que je me suis dit qu’il y avait beaucoup d’hommes et de femmes au
Burkina sur lesquels on dit bon nombre de choses mais qu’en réalité on connaît
peu. Au travers de cette émission, «Café», qui dure 1h-1h15mn, c’est donc une
occasion de leur donner la parole devant un public. Mais dans une sorte
d’exercice pas si évident, où la parole est libre, avec des questions libres et
souvent embarrassantes, pour leur permettre de s’exprimer sur certains points.
Dès le premier numéro, on a vu l’engouement et on a compris qu’il y avait des
gens que le grand public aimerait entendre. C’est un plateau plein de chaleur,
avec un public jeune capable de décrypter les discussions, loin d’un débat
académique.
Cependant, certaines personnes voient en cette émission un «ring de
clash» où les gens viennent se régler les comptes…
Il y a effectivement cette manière
de voir la chose, car beaucoup de personnes étaient réticentes à participer à
Café quand on leur a fourni des invitations. Plus tard, elles ont été rassurées
quand elles ont vu des numéros. Je le dis encore, je n’ai pas de leçons à
donner à quiconque. Quand on recevait, en exemple, To Finley Kwamé, les étudiants
qui constituaient le plateau se posaient bien de questions, mais ç’a été l’une
des meilleures émissions de Café. On a discuté ce jour avec un homme qui a
parlé avec beaucoup de franchise. Et qui nous a permis de voir son parcours en
tant qu’individu ; c’était vraiment émouvant. C’est ce que nous voulons
montrer à Café, le parcours humain des gens pour que la nouvelle génération
puisse s’en inspirer. Le Café permet de lever un coin de voile sur des choses
que l’on croyait connaître sur des personnes. Nous avons reçu également le
défunt Amadou Balaké et bien d’autres. C’est bien loin d’être un ring, encore
moins pour des clashs. Café c’est pour mettre en valeur des gens.
En résumé, que peut-on retenir comme but visé par l’émission
Café ?
C’est de valoriser davantage les
gens. De mettre l’humain sur une sorte de piédestal pour que ça serve aux plus
jeunes. Pour que ça serve d’expérience à ceux qui aspirent à un parcours
brillant, à ceux qui veulent être des leaders demain. Nous ambitionnons surtout
montrer des modèles de réussite.
Cette émission a-t-elle contribué à donner une autre image de ta
personne, vu que beaucoup te connaissaient seulement en tant que manager ?
(Rires). On dit souvent qu’en
apparence je ne suis pas quelqu’un de facile d’approche. Ça me fait rigoler
vraiment. Parfois je me mets devant une
glace et je me demande qu’est-ce qu’elle a, ma tronche. Mais je comprends. Des
fois vous renvoyez une image aux gens qui ne reflète pas votre personnalité. On
essaie à travers notre boulot ou nos contacts de tous les jours, de mieux se
faire connaître. Ce que les gens doivent retenir de Papus, c’est que c’est une
personne qui a envie de partager ce qu’elle a au fond d’elle. Beaucoup de gens
me le rendent bien et c’est l’occasion pour moi de dire merci à tous ceux qui
nous soutiennent dans ce sens, mes partenaires et aussi la télévision nationale.
Même s’il y a des difficultés, surtout sur le plan financier, on est gonflé à
bloc ; on se bat pour que ça continue.
En termes de bilan, que peut-on retenir 2 ans après le début de
Café ?
Tout d’abord ç’a apporté quelque
chose de nouveau dans le paysage de la télévision. On a reçu des dizaines
de stars d’ici et d’ailleurs, des Antilles au Cameroun en passant par la Côte d’Ivoire. En termes de bilan, j’avoue qu’on ne savait pas que ça allait prendre autant. Le capital sympathie de cette émission nous a franchement étonnés. On croyait certes en notre concept, mais l’élan que ça a pris nous rassure et nous interpelle quant au challenge à relever pour la suite. En même temps on lance un appel à tous nos partenaires et aux sponsors à nous soutenir davantage car sans le nerf de la guerre, on ne pourra rien faire malgré nos idées.
de stars d’ici et d’ailleurs, des Antilles au Cameroun en passant par la Côte d’Ivoire. En termes de bilan, j’avoue qu’on ne savait pas que ça allait prendre autant. Le capital sympathie de cette émission nous a franchement étonnés. On croyait certes en notre concept, mais l’élan que ça a pris nous rassure et nous interpelle quant au challenge à relever pour la suite. En même temps on lance un appel à tous nos partenaires et aux sponsors à nous soutenir davantage car sans le nerf de la guerre, on ne pourra rien faire malgré nos idées.
Des perspectives ou des innovations…
Le Café change de nom et deviendra
Le Grand Café avec plus de public. Plus grand en termes d’espace, de chaleur ou
d’applaudissements et d’ambiance. Les rubriques seront toilettées et je suis à
la recherche d’un co-animateur ou d’une co-animatrice mais aussi de nouvelles
têtes pour les chroniques.
Il y a actuellement cette guéguerre concernant la promotion de la
musique burkinabè et aussi les
protagonistes entre live et play-back ; dans quel camp te situes-tu ?
Je veux faire partie des faiseurs
et non des diseurs. Il est très facile de dire, mais beaucoup plus difficile de
faire. Je suis dans l’action, même s’il est nécessaire des fois de s’arrêter
pour parler. Quand on part d’un point A pour un point B, on se dit déjà qu’on a
fait du chemin, c’est le constat que je fais. Le verre à moitié vide, le verre
à moitié plein. En ce qui concerne le verre à moitié vide, on a toujours besoin
de hisser la musique burkinabè au plan international mais, avant, au plan
national, qu’en est-il ? C’est la question qui mérite d’être posée d’abord.
Tant que nos radios et nos télévisions ne reflèteront pas notre musique, il y aura
toujours un problème. Ça sera utopique de ma part de dire que je vais
révolutionner les choses. J’apporte ma pierre et c’est ce que je fais déjà avec
mes productions. Chacun à son niveau peut et doit agir. Maintenant, le verre à
moitié plein, il faut dire qu’il y a des références qui circulent, on parle
moins d’Alif Naaba, de Victor Démé ou de Bil Aka Kora, pourtant ils tournent. A
l’heure où je vous parle (Ndlr : l’entretien a eu lieu le vendredi 19
septembre 2014), Floby est en tournée aux USA puis en Europe pour 2 mois. Il ne
faut pas cracher dans la soupe. Il y a des choses qui marchent et il faut le
reconnaître.
On le sait bien, tu contribues à l’éclosion d’une industrie musicale au
Burkina Faso ; on se rappelle encore des artistes que tu as révélé tels
que Floby ou Wendy ; que gardes-tu comme souvenirs de tout ce travail ?
Beaucoup d’émotion ! Au
stade où sont certains, je suis heureux pour eux. Floby a un brillant parcours.
Je me souviens encore du temps où il était encore hésitant, un peu frileux mais
vrai dans le fond. Surtout son humilité, ça m’a beaucoup marqué. C’est d’avoir
la conviction de ce qu’on fait, de prendre patience.
Des regrets…
On dit que tout ce qu’on n’a pas
pu réaliser devrait nous propulser. Des fois un mot mal placé, un geste qu’on
interprète autrement. C’est regrettable. C’est dommage si on n’a pas été
compris. Pour le reste, on a fait des choses avec une ultime conviction qu’on
pensait être de bon choix ; et comme je n’ai pas la science infuse, je
suis un être humain, forcément avec des défauts. Donc quelques fois on peut avoir
mal fait des choses en croyant bien les faire.
As-tu une adresse particulière à l’endroit du public et des mélomanes ?
C’est leur dire tout d’abord de
croire en la musique burkinabè. Ce qui fait la force d’une nation, c’est sa
culture. Je pense que notre culture et notre peuple sont formidables. Ça arrive
avec toute la force. Aussi, on a une nouvelle génération qui ne veut pas se
laisser faire. Pour ma part, tant que Dieu me donnera la force pour proposer
quelque chose qui fera révolutionner les choses, je le ferai. Je profite de
l’occasion aussi pour vous dire merci ainsi qu’à L’Obs. Dim, également à tous
ceux qui me soutiennent et qui aiment l’émission Café.
Jérôme William Bationo
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