Hommage à Amadou Bourou
Seydou Boro et Alain Hema ressuscitent
«Sarzan»
Mise en
scène par Amadou Achille Bourou, décédé le 8 janvier 2010, «Sarzan» est une
représentation tirée d’une nouvelle de Birago Diop. En marge des Récréâtrales,
les «fidèles lieutenants» de l’illustre disparu ont tenu à lui rendre hommage à
travers la représentation de cette pièce Entre expressions poétiques et
gestuelles, Seydou Boro et Alain Hema, les comédiens qui l’ont portée à
l’origine en 1994, tentent de ressusciter cette création.
20 ans après sa mise en scène, le temps n’a
pas eu raison des comédiens de «Sarzan». En effet, Seydou Boro, beaucoup plus
connu sous la casquette de danseur-chorégraphe et Alain Hema, comédien-metteur
en scène, tiennent bien leur rôle dans cette pièce. Les deux acteurs dans cette
représentation laissent libre cours à leur savoir-faire à travers expressions
gestuelles et déclamation poétique.
D’entrée, le tango de Seydou Boro, le sergent
Tiémoko Keita, annonce les couleurs. Il y aura bien quelques pas de danse par
là. S’en suit, avec volubilité un long récit d’Alain Hema, le Commandant de
cercle. Tel un griot, ce dernier redessine ce qu’avait été Dougouba, cette cité
au cœur de l’Afrique occidentale française d’où est parti un jour un jeune soldat,
Tiémoko Keita, pour servir sa métropole, la France. Dans ce spectacle, où, au
rythme du tango ou du son des balafons ; la danse est effectivement bien
présente, la symbolique de la gestuelle en dit long. Entre autres, de la danse
classique occidentale à la cadence des tam-tams africains, le rapport
conflictuel entre les deux cultures est posé. L’une très calme et froide dite
moderne et l’autre très chaude, manifestée par des sonorités et moult pratiques,
traitée de «manière de sauvages».
Une gestuelle qui efface la parole
Dans «Sarzan» on retrouve donc un jeu de corps
et une gestuelle qui, par moment, efface la parole pour donner la place à la
liberté d’interprétation. Si la symbolique
du rythme et de la gestuelle ici se veut le fort de la civilisation noire, dans
cette pièce, Sarzan qui les interprète est un
inféodé de la culture occidentale. Cependant, on retrouve des explications des
croyances traditionnelles africaines à travers une narration d’Alain Hema. «… Ceux qui sont morts ne sont pas jamais
partis / Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire / Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les morts ne sont pas sous la terre / Ils sont dans l’arbre qui frémit / Ils
sont dans le bois qui gémit / Ils sont dans l’eau qui coule…», peut-on entendre
entre autres.
Même si, 20 ans après, le temps n’a pas réussi
à user la prestation scénique des deux comédiens, il faut noter l’impression
d’essoufflement qui se faisait ressentir par moment dans la voix d’Alain Hema.
Cette pièce qui dépeint les heurts entre
civilisation occidentale et croyances africaines avec un impressionnant jeu
d’acteur de Seydou Boro et d’Alain Hema méritent bien le détour.
Jérôme William Bationo
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